Ce week-end, poursuite de ma campagne Vampire : la Mascarade avec un scénario hors de la trame globale de la campagne qui m’a permis de tester une forme de narration directement inspirée de l’épisode « Le shérif a les dents longues »
http://vatzhol.perso.neuf.fr/pagesFZ/xfiles512.html de X Files (je sais que ce dispositif a été utilisé dans d’autres films avant mais c’était ce climat là que je voulais faire passer). La partie a été plus courte qu’à l’accoutumée, (8 heures contre une douzaine habituellement), le scénario se déroulant sur une nuit, en quasi huis-clos, et parce que je ne souhaitais pas non plus que l’exercice narratif de la partie finisse par ennuyer en le faisant durer trop longtemps.
Quand la partie commence, les PJ reviennent d’une soirée mondaine au Louvres au cours duquel un meurtre a été commis, meurtre qu’ils ont élucidé. Mais, très vite, ils se rendent compte que quelque chose cloche : ils sont désormais incapables de dépenser du sang pour quoi que ce soit, ce qui veut dire qu’ils seront incapables de se réveiller la nuit prochaine si la situation perdure et qu’ils ont donc jusqu’à la fin de la présente nuit pour comprendre ce qui leur est arrivé et ce qu’ils ont loupé pendant la soirée mondaine où ils ont identifié un meurtrier. Les PJ commencent donc à se remémorer, en flash back, le début de la nuit afin de comprendre à quel moment ils ont été maudits/intoxiqués/envoutés/autre… en la décrivant à un PNJ qu’ils pensent être capable de les soigner mais qui a besoin de connaître tous les détails qui pourraient lui servir à comprendre ce qui leur est arrivé. Bien sûr, tous les PJ n’avaient pas la même vision de la soirée et la façon de la raconter changeait selon le PJ « narrateur » (c’est-à-dire mes descriptions tenant compte du point de vue du PJ).
Avant la partie, j’avais demandé à chaque joueur de remplir un tableau où il devait décrire en quelques mots la façon dont son PJ percevait le comportement en société des autres PJ, sa propre attitude en société et ce qu’il pensait des soirées mondaines de la Camarilla. A partir de ce tableau, je changeais les descriptions de la soirée en fonction de ce que le PJ en charge de « raconter » la soirée à ce moment là avait perçu de la réception et des gens rencontrés ce soir là. Lorsqu’un des PJ « racontait » une partie de la soirée, les autres joueurs incarnaient leur PJ non pas en fonction de leur caractère, mais de leur caractère tel qu’il était perçu par le PJ racontant l’histoire (les joueurs disposaient des indications de jeu établies préalablement par les autres joueurs). Le PJ « raconteur » ne se jouait pas nécessairement non plus comme il est d’ordinaire dans les autres parties mais tel qu’il se voit. Les « narrateurs » changeaient souvent et les joueurs incarnaient donc leur PJ différemment d’une scène à l’autre ou différemment dans une même scène rejouée plusieurs fois quand la vision d’un même moment différait selon ce que le PJ en avait retenu.
De mon côté, je changeais les musiques d’ambiance en fonction du PJ qui racontait et surtout l’incarnation des PNJ.
Ainsi, un PNJ bellâtre jouant de son charme était un séducteur (sur une musique de crooner) pour un PNJ féminin réceptif à son charme, était un rival arrogant et insupportable pour le PJ masculin et séducteur du groupe et un minet efféminé pour la macho woman with gun du groupe. Un PNJ italien parlait avec un accent pour tous les PJ à l’exception de la PJ italienne du groupe qui n’avait rien remarqué. Le PJ fêtard et parvenu, trouvait un PNJ charmant alors que tous les autres le voyait comme un abruti vulgaire et impoli. La soirée était insupportable et pompeuse (avec une musique classique lente) pour les PJ ne goûtant pas à ce type de soirée et était inquiétante et sombre (avec la musique de la neuvième porte de Polanski) pour un PJ mentant sur son identité et qui avait peur que son double jeu soit découvert... Etc.
Une fois ce flash back raconté, on en vint au second acte de la partie où les PJ ne disposaient plus que de quelques heures, avec des pouvoirs réduits, pour comprendre ce qui leur était arrivé et lever la malédiction qui les frappait. Ce qu’ils sont parvenus à faire.
Ce type de scénar demande pas mal de travail de préparation puisque chaque PNJ devait être préparé avec des notes d’interprétation différentes pour chaque PJ et en prévoyant des musiques d’ambiance différentes. J’avais anticipé que l’exercice consistant à modifier constamment l’interprétation de son personnage ne serait pas drôle sur toute une partie d’où la présence d’un deuxième acte plus classique où le temps qui s’écoule devient l’ennemi et l’élément de pression principal de la fin de scénar.
J’ai bien aimé l’exercice mais j’ai également pu mesurer certains écueils de ce type de parties et je n’ai pas évité quelques erreurs :
- Pour préserver l’effet de surprise, je n’avais pas expliqué aux joueurs pourquoi je leur demandais de dire ce qu’ils pensaient du comportement des autres PJ et d’eux-mêmes. Dans ces conditions, tous n’ont pas précisé des éléments permettant d’être utilisé comme des éléments d’interprétations amusants pour les autres joueurs incarnant une vision subjective de leur PJ. Ce serait à refaire, j’insisterais davantage sur une nécessité de ne pas hésiter à souligner des éléments caricaturaux de la personnalité des PJ des autres joueurs.
- J’avais anticipé que les joueurs ne parviendrait qu’un temps à jouer une version caricaturale d’eux-mêmes et j’ai eu raison. Au fur et à mesure que l’intrigue se mettait en place, les joueurs se prenaient au jeu de l’intrigue et cessaient de penser à la façon dont le PJ « narrateur » racontait l’histoire pour revenir à une interprétation plus classique de leur perso. Les éléments divergents et l’interprétation « subjective » ne faisant plus que parsemer épisodiquement la partie en flash back. Ce n’était pas nécessairement un mal car une lassitude aurait pu naître d’un exercice trop répétitif une fois le plaisir de la découverte de l’exercice passé.
- En termes de gestion de la partie, la séparation en deux actes distincts ne fut pas toujours évidente. Il fallait en effet que pendant la première partie de l’histoire (le flash back « raconté » par les PJ) je place des éléments utiles pour la seconde partie (trouver les causes de la malédiction) sans que les PJ ne les trouvent suffisamment importants sur le coup pour se focaliser dessus immédiatement. Ca n’a pas toujours été facile mais je crois y être globalement parvenu.
- J’avais beaucoup bossé la première partie (le flash back subjectif) et cela ne m’a pas permis (faute de temps) d’autant travailler sur la seconde. La confrontation finale avec celui qui avait lancé la malédiction sur eux n’a pas été aussi bonne que ce que j’aurais pu faire. Je n’ai trouvé que le lendemain de la partie ce que j’aurai dû faire pour la rendre plus palpitante (solution soufflée par un de mes joueurs), malheureusement trop tard.
Au final, une partie très sympa qui a alterné entre éléments auto-parodiques et moments d’enquête sérieuse avant de finir sur une fin de partie plus nerveuse à cause du temps limité pour trouver la solution, même si j’aurais pu faire mieux pour ma confrontation finale une fois que les PJ avaient compris les tenants et aboutissants de la soirée.
J’ai beaucoup aimé, je me suis bien amusé et je pense que mes joueurs aussi.
Contraint par ses joueurs à être le Luc Besson du JdR.
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