Ce week-end, scénar Goule de 12 heures avec cinq joueurs (mon épouse, Didi, Nevenka, Mercutio et une amie) dont deux (Mercutio et notre amie) avec qui je n’avais plus joué (et qui n’avaient plus joué) depuis la fin de ma campagne Vampire en janvier 2012 et que cela faisait plaisir de retrouver en jeu (et de retrouver tout court).
Pour rappel, mes joueurs jouent les goules des persos de ma campagne Vampire dont la campagne s’était conclue par une scission de la Camarilla et la naissance d’une nouvelle organisation vampirique concurrente (l’Agora), créant une guerre où (pour l’instant) les belligérants pratiquent surtout l’espionnage et la guerre psychologique.
La base du scénario était assez simple, la complexité reposant sur les éléments de contexte et les identités et obsessions des adversaires des PJ qui rendaient leurs comportements plus difficilement compréhensibles et leurs identités plus difficilement identifiables.
La partie consistait à comprendre qu’une organisation indépendante associant occultisme et influence économique avait commencé à espionner l’Agora et était en train de négocier avec la Camarilla pour lui vendre ses services. Cette trame n’est pas très éloignée de parties que j’ai déjà faite jouer et l’originalité du scénario se basait sur le fait de confronter les PJ à une secte manichéenne adorant
Mammon, vu comme le Dieu du monde matériel récompensant ses fidèles par l’opulence et la richesse et leur offrant de se réincarner à leur mort dans les identités de gens riches ou appelés à la richesse. Pour ce culte, le Dieu qu’ils adorent exprime ses désirs et ses volontés au travers des cours de bourses et des évolutions du marché et ses prêtres sont ceux capables de comprendre ses désirs au travers des évolutions économiques. La fameuse «
main invisible du marché » est celle de leur Dieu pour ces adeptes. Le culte a été fondé par un participant de la conférence fondatrice de la
Société du Mont Pèlerin qui a été expulsé du rassemblement et rayé des photos de famille après avoir exposé ses vues aux économistes libéraux présents. Humilié, il s’est plongé en parallèle dans le monde de la finance et dans l’occultisme, développant des capacités magiques lui permettant, entre autres, de pousser les gens à se laisser corrompre.
Le leader du culte travailla activement mais discrètement au développement de son culte tout en s’insinuant dans de nombreuses expériences politiques ou universitaires visant au développement du marché et de la financiarisation de l’économie et il a soutenu notamment les
Chicago Boys, ce qui permit au culte de se rapprocher de la
DINA chilienne et de ses réseaux dans les cercles d’extrême-droite et d’y recruter des hommes de main.
Le problème supplémentaire pour les PJ venait de l’identité de son successeur désigné à la tête du culte, la réincarnation d’un de leurs adversaires de la
précédente partie. Celui-ci était le bras droit du sorcier manipulant le temps du précédent scénario. Il avait été le gourou d’une secte violente dans les années 50 en Californie, recruté par le sorcier du temps avec ses fidèles mais compte tenu du paradoxe temporel créé par les PJ, il avait retrouvé son destin « normal » et avait été arrêté en 1956 avant de se suicider en 1958 dans la prison d’Alcatraz en hurlant que son destin n’était pas celui qu’il aurait dû être et passant pour fou. Il s’était réincarné dans l’enfant à naître d’une jeune amérindienne participant à
l’occupation d’Alcatraz en 1969-71 et avait progressivement récupéré ses souvenirs de sa vie passée mais également ceux de la vie qu’il aurait dû avoir dans le continuum temporel que les PJ ont modifié. Grâce à cela et après s’être débarrassé de sa mère dès ses 15 ans en la tuant comme il avait assassiné la petite amie d’un des PJ dans le précédent scénar, il s’était tourné vers le culte de Mammon (qu’il avait croisé dans la période de sa vie effacée du temps) et y avait prospéré grâce à sa connaissance d’évènements historiques à venir. Le chef du culte de Mammon l’avait désigné comme son successeur après que le culte a pu profiter massivement de son annonce du
krach de 1987. En 2011,quand commence le scénario, il a 40 ans, trouve le temps long, compte bien éliminer les PJ qui ont précédemment causé sa perte, éliminer le vieux gourou, prendre seul la direction de la secte et proposer ses services à la Camarilla en échange de l’étreinte et de la vie éternelle.
Pour les PJ, tout commence quand ils sont envoyés à Porto Rico pour assassiner le chef expert de la Banque mondiale pour la zone caribéenne, un individu contrôlé par la Camarilla qui pourrait être utilisé par cette dernière pour déstabiliser Trinidad et Tobago, un territoire de l’Agora. Ils doivent également ramener l’IPad de leur cible afin de récupérer la liste de ses contacts dans les différents États où il doit officier. Une fois cette opération terminée, ils apprennent que leur cible avait été prévenue par des mails anonymes d’une tentative d’assassinat contre lui, mails dont, heureusement pour les PJ, il n’avait pas tenu compte. Les informaticiens de l’Agora parviennent à retrouver l’origine des mails : un hôpital psychiatrique de Vancouver, institution où les PJ sont envoyés afin de découvrir s’il n’y a pas une taupe au sein de l’Agora. Là bas, ils découvrent que l’auteur des mails est un patient, interné pour ses obsessions jugées paranoïaques, informaticien brillant qui travaille sur le site internet de l’asile dans le cadre d’un projet de réinsertion, qui n’a eu aucun mal à casser les sécurités limitant ses accès à la toile afin de continuer ses recherches sur le culte de Mammon qui a assassiné sa compagne, une doctorante en économie travaillant sur les Chicago Boys et qui était en train de se rapprocher un peu trop près du chef du culte (c’est son assassinat qui l’a démoli mentalement). Le patient informaticien avait découvert le projet d’assassinat auquel participait les PJ en constatant qu’un cabinet de placement dont il avait découvert les liens avec le culte, avait anticipé la mort de l’expert de la Banque mondiale dans ses placements dans les
marchés de prévisions (le culte de Mammon avait appris le projet d’assassinat en surveillant magiquement les PJ et, fidèle à sa doctrine, avait décidé de transformer cette information en moyen de s’enrichir). Quand les PJ l’identifient parmi les patients et personnels de l’hôpital, il est trop tard, l’informaticien a eu le cerveau grillé par les médicaments donnés par son psychiatre, corrompu par le culte.
En s’appuyant sur les données (lacunaires) et les contacts de l’informaticien, les PJ vont poursuivre le culte entre Washington, Hong-Kong et New-York et finir par éliminer leur ancien ennemi réincarné mais pas la totalité de la secte.
L’idée de ce scénar m’est venue quand j’ai découvert l’existence des marchés de prévision (appelés parfois marchés prédictifs), du projet avorté du Pentagone en 2003 de lancer le
Marché d’analyse politique qui fut accusé d’être un projet de « bourse du terrorisme » ou d’«
assassination market ». Le fait que certains marchés prédictifs portent des noms faisant référence aux oracles antiques, chez qui les fidèles espéraient connaître l’avenir communiqué par les Dieux, m’avait donné l’idée d’un culte violent adorant le marché comme l’expression d’un Dieu régnant sur le monde matériel et opposé aux Dieux « spirituels » (une espèce d’anti-culte cathare). Dans le même temps, je trouvais que j’avais sous-exploité dans la précédente partie la personnalité du bras-droit du sorcier du temps et la lecture du pitch de
Projet Pélican m’avait donné l’idée sur la façon de le réintroduire.
Ca a été une partie très agréable, menée avec des joueurs (comme toujours) motivés et impliqués, ce qui n’a pas empêché de nombreux éclats de rire et délires divers (à base de bruitage de livre pour bébé et de Luc Besson) qui n’ont pourtant pas nuit à l’ambiance générale de la partie. J’ai juste un petit regret sur le passage à Hong Kong que j’aurais aimé transformer davantage en hommage aux polars Hongkongais (ils devaient affronter la triade des
14K, ils ne l’ont que croisée) mais ce moment est intervenu un peu tard dans la partie et moi-même et les joueurs avions alors un petit coup de mou. L’élimination finale de leur adversaire à New-York n’a pas non plus été inoubliable sans être vraiment ratée. Par contre, j’ai vraiment aimé tout le reste, notamment les réactions des joueurs quand ils ont compris que l’un de leurs adversaires de la précédente partie était encore en activité ou quand un des PJ, contrôlé par leur adversaire via le biais d’une liasse de billet de banque dont il ne parvenait pas à se détacher, a dû être maîtrisé par les autres et qu’ils craignaient tous de tomber sous le joug de pulsions délirantes de cupidité.
Ils ont parfois dû se faire des nœuds au cerveau pour comprendre les tenants et aboutissants d’un groupe occulte évoluant dans le monde financier codirigé par un ennemi qui se souvenait d’un continuum temporel que la majorité des PJ avait connu mais qui avait été en partie effacé mais je pense que cela leur a également plu.
Contraint par ses joueurs à être le Luc Besson du JdR.
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