Hellbusters – chez ouame – avril 2016
Une fois n'est pas coutume, playtest en soirée de semaine. Quand ma cuisine est dispo, je saute dessus ! Évidemment, presque tout le monde est à la bourre. Les rôlistes vont conquérir le monde, ça ne fait aucun doute, mais ce ne sera pas en RER. Parce que le RER, c'est plus compliqué qu'il n'y paraît. Z'ont pas tous le même nom, on s'y perd. Y'a des moyens de transport qui ne font aucun effort, je vous jure. Pourraient pas s'appeler Métro comme tout le monde ?
Maintenant qu'on est tous là, on s'y met. Un petit
Dozen d'échauffement, mais en version next gen. Parce que j'ai eu une (petite) épiphanie rôliste y'a quelques semaines, qui m'a conduit à produire une variante de l'un de mes scénarios. Pas de l'un de mes systèmes, hein, ça c'est business as usual. Je parle bien de l'un de mes scénars. How weird. Et franchement, elle est super sympa, cette variante. Limite si elle n'est pas plus cool que la version de base. Super content, Johan. Oui, j'aime m'autocongratuler. Ça me fait des guilis tout partout.
Le brainstormingAllez, la suite. Au programme de la séance, quickshot en
Zéro, plus spécifiquement en
Prémium, une seconde sous-variante. La première est
Redux, que je propose déjà dans
Sombre 2. La seconde sera disponible dans
Sombre 6, raison pour laquelle je lui consacre cette séance. Je n'ai pas encore trop de recul dessus et voudrais gratter un peu de pEx dans la perspective de l'écriture du prochain numéro de la revue.
Et aussi, j'ai un thème : enfer et damnation. Ce soir, on joue ambiance
Hellraiser,
Hellblazer,
L'Exorciste et
La Malédiction. Que des valeurs sûres. Pourquoi des démons, demandez-vous ? Tout bêtement parce qu'après m'être aperçu qu'ils revenaient assez souvent dans mes impros, je me suis mis en tête de développer par le jeu mon propre panthéon infernal. Ou plutôt de détourner le panthéon judéo-chrétien traditionnel. Le passer à la moulinette Johan, un playtest après l'autre. C'est fun, c'est jeune, ça m'occupe durant mes longues soirées d'hiver.
J'impose bien sûr l'acquisition des trois Traits surnaturels liés aux démons, et décrète qu'on utilisera le story deck. Juste un peu, hein, c'est pour voir ce que ça rend en
Zéro. La variante ne s'y prête pas super bien car sa grande épure technique s'accommode mal de la mécanique des story cards. Sauf qu'en
Prémium, il me semble que y'a moyen. Or moi, quand je vois une ouverture, direct j'en profite. Opportuniste que je suis.
Tout cela ne ferait-il pas un peu beaucoup de cadrage pour un quickshot ? Disons que je ne suis pas en mode animation, comme la dernière fois
chez Mathieu. Ce soir, on playteste. Boulot, boulot. Donc bon, j'arrive avec un programme. Qui d'ailleurs convient plutôt bien à tout le monde. C'est cool.
Valentin renchérit tout de suite en disant qu'il est venu pour jouer drama, voire mélo. Ce n'est a priori pas la pente naturelle de
Prémium, que j'ai conçu comme une sous-variante bien bourrine, le genre qu'on utilise pour de l'aventure horrifique qui dépote, mais pourquoi pas ? Le propre du playtest est d'essayer des trucs. Donc va pour le drama. Et le mélo. En
Prémium, voui madame. Sous vos applaudissements.
Nous voilà partis pour une looongue créa collective. Ah bin oui, le drama dark tendance mélo ne poppe pas de nulle part. Faut une relation map qui tienne un minimum la route et ça prend du temps à monter. On va en fait y passer 1h40, dans la joie, le fun et la bonne humeur. La table est dynamique et réactive, c'est hyper plaisant. De mon côté, je cadre tranquille, appliquant à la virgule près la méthode que je détaille dans mon article sur la créa collective (paru dans
Sombre 4, cet excelllllent fanzine qu'il te fait la peau douce et les cheveux lisses).
+ Raph joue John Fitzgerald, lord Bradley, aristo so british et président du Hellfire Club, une organisation sataniste qui, sous couverture d'une association de gentlemen respectables, pactise avec les démons depuis le 18e siècle. Entre deux kermesses, ils sacrifient des vierges, égorgent des boucs et vendent leurs âmes pour la jeunesse éternelle. John d'ailleurs ne fait pas son âge. Né à la fin du 19e, il paraît à peine une petite trentaine. On joue en contemporain, je précise. L'anticipation proche a longtemps été évoquée, jusqu'à ce qu'on se rende compte que la magie remplaçait avantageusement la super science.
Traditionaliste de chez tradi, John refuse tout aménagement du fonctionnement du Club, ce qui n'est pas du goût de tout le monde. Une faction de réformateurs, les Rebelles comme les surnomme John, conspire dans l'ombre et mène une guerre d'usure jusque dans le cercle intérieur, l'organe de direction du Club. Leur leader n'est autre que McAllister, ancien meilleur ami de John. Ils se connaissent depuis l'enfance et ont échangé leurs sangs, ce qui n'est pas rien dans leur milieu. Les pactes à l'hémoglobine, c'est du lourd pour n'importe quel démoniste qui se respecte.
Le torchon brûle entre les deux hommes. McAllister convoite la Clé, un Artefact que John porte autour du cou et qui symbolise son pouvoir sur le Club. L'un de ses ancêtres directs l'a reçu au moment de la signature du Pacte avec les démons. Et quoi qu'il fait cet Artéfact ? Et bin on ne sait pas trop bien. Raph voudrait qu'il lui permette de contrôler un démon, mais je refuse because over Bill. C'est un coup à me faire retourner mon boss en plein climax. Je ne peux pas me le permettre, surtout en
Prémium. Déjà que les PJ cognent super fort, si en plus ils prennent le contrôle de mes antagos les plus balaises, ça va grave se barrer en sucette.
On évoque un passe-partout surnaturel, qui ouvrirait la porte des enfers, mais l'idée ne convainc personne. On voit tous que ça aussi, ça pourrait virer au nawak car j'ai posé que la partie se déroulerait entre la terre (un petit plan à choisir parmi ceux que je pose sur la table) et l'enfer (un autre plan). Si l'Artefact permet un aller et retour facile entre les deux, ça risque de faciliter un peu trop la vie des PJ. Au final, je déclare qu'on laisse l'effet de l'Artefact en suspens. On verra ce qu'il en est durant la partie, mais j'assure à Raph que ce sera du positif. Un Avantage ne saurait faire autre chose qu'avantager, c'est la règle d'or.
+ Guillaume joue Judith Fitzgerald, lady Bradley, sœur et concubine de John. Bénéficiant elle aussi de l'effet de jouvence du Pacte, elle n'est par contre pas une traditionaliste. Le fonctionnement archaïque du Club ne faisant pas grand cas des femmes, ce n'est pas elle qui irait le défendre. Le couple Bradley bat de l'aile. Judith, qui n'aime plus son frère, a pris un amant. Devinez qui ? McAllister bien sûr ! Monsieur Hellfire Club 2.0. John n'est pas encore au courant.
+ Julien joue Elroy, le fils de John et Judith. Un jeune psychopathe qui se la raconte sévère, genre je veux devenir un démon et c'est moi que je serai le futur prince des enfers. Très jeune, très con, très dangereux. Cette histoire de conversion démoniaque procède d'un pacte personnel, conclu alors qu'il n'était encore qu'un enfant. À la base, Elroy est hémophile. Oui parce que quand on baise sa sœur de génération en génération depuis trois siècles, ça finit à un moment par attaquer le génome. Elroy a donc vendu son âme à une infirmière démoniaque lorsqu'il avait huit ans. Une succube pour être précis, modèle bombasse tant qu'à faire. On comprend que depuis, Elroy ne rêve que de rejoindre le côté (encore plus) obscur.
Cela déplait souverainement à son père, bien aware de l'instabilité pathologique de son fiston. John voudrait passer la main, c'est-à-dire transmettre la Clé, mais pas à Elroy. À Alice plutôt, sa sœur jumelle, un PNJ que je me garde sous le coude à titre de joker. Oulah, mon supporting prend du muscle. Je pensais ne disposer que d'un joker, mais McAllister prend tant d'importance dans la créa que j'en viens à l'inscrire lui aussi sur ma relation map. Résultat, je me retrouve à remplir deux tuiles de PNJ. C'est plus qu'à l'habitude. Mais pourquoi pas, ça peut toujours servir.
John et Judith ont donc deux enfants, Elroy et Alice, une paire de faux jumeaux. Il y en a eu d'autres, mais un sort funeste leur est advenu. Le souci pour John est qu'Alice est une fille (que je looke gothos tendance batcave). Aux termes des traditions du Club, il est exclu qu'elle hérite de son père. Pour dénouer cette situation inextricable, John ne voit que le surnaturel. Il faut trancher le nœud gordien avec l'aide des démons. Judith, qui a la fibre maternelle, ne l'entend pas de cette oreille : pas question que John touche à un cheveu de la tête de ses enfants ! Ce d'autant que les Rebelles, eux, sont ouverts à un assouplissement des règles de succession. Encore une bonne raison de tomber dans les bras de McAllister.
+ Valentin joue Marion, une jeune Indienne (d'Asie, pas d'Amérique, on joue en Angleterre), correspondante d'Alice. Prise dans la nasse des Bradley et du Hellfire Club, séduite par Judith, contrainte d'échanger son sang avec Elroy, la voici à la fois Possédée et Exorciste. Plus exactement, Exorciste parce que Possédée. Cherchez pas la logique, c'est démoniaque. Mais possédée par qui ? Par Lilith, me répond Valentin, une succube qui la contraint à des virées nocturnes que la morale réprouve. Tout de suite, je fais la relation avec la Damnation d'Elroy, qui lui aussi a croisé une succube. La même forcément, me dis-je dans le for intérieur du dedans de mon moi-même. Pour ce qui est de Judith, c'est de l'histoire ancienne et Marion le regrette. Elle voudrait la reconquérir. Avec McAllister dans l'équation, c'est pas gagné. Car oui, Marion est au courant de cette liaison. Judith l'a lui a révélée dans l'emballement d'une discussion houleuse.
La partieLes joueurs ont choisi deux de mes plans, celui d'
Overlord pour la cérémonie satanique qui doit leur ouvrir les portes de l'enfer (une église en ruine, ça fait sens) et celui de
Dracula pour l'enfer lui-même. Ils ont hésité avec les grottes de
La guerre des vers, mais ont préféré un setting moins attendu. Justement, je me renseigne. À quoi ressemble exactement l'enfer si ce n'est pas une caverne où les damnés cuisent sur des grills ? J'ai un plan sous les yeux qui me donne des indications, mais ça reste un peu vague. On évoque le Labyrinthe de Léviathan dans
Hellraiser, un lieu d'ordre et de discipline, rien à voir avec le supercalifragilisticexpidélicieux surpeuplé et grouillant des représentations chrétiennes médiévales. Julien pousse un peu plus loin en parlant d'une sorte d'usine, dans laquelle trimeraient les damnés. L'idée me fait tilt, je l'aime bien.
Or donc, une chapelle familiale en ruine au fin fond des bois, quelque part sur les terres des Bradley, en Angleterre. Une nuit sans lune, à Samhain. Au chœur du bâtiment, à même le sol dallé sous lequel sont enterrés certains des ancêtres de Judith et John, on a tracé un pentacle. Les joueurs me renseignent sur le rituel. Des cierges noirs éclairent la scène, allumés par de jeunes assistantes nues, aimablement fournies par le Hellfire Club. On a égorgé puis éventré un bouc, répandu son sang un peu partout.
Au centre du pentacle, une cage en métal de style médiéval, dans laquelle est emprisonné McAllister. La victime, celle dont l'exécution doit ouvrir les portes de l'enfer, c'est lui. Il a été aussi sévèrement torturé que possible, étant entendu que John ne pouvait se permettre de le tuer avant la cérémonie. Pour un rituel de cette importance, une victime lambda ne saurait suffire. Il faut quelqu'un qui soit lié par le sang aux officiants, ce qui ne leur laisse pas des masses de choix. Il y aurait bien eu Marion, raison pour laquelle Elroy a échangé son sang avec elle, mais elle s'est tellement bien intégrée au clan Bradley que John a préféré se rabattre sur son ami d'enfance. D'une pierre deux coups : il élimine un rival et accomplit le rituel. Tout défiguré par les coups qu'il soit, McAllister n'a pas parlé sous la torture. La trahison de Judith n'est pas connue, son secret est sauf.
Tandis que chacun rejoint sa place à l'une des pointes du pentacle et commence à réciter les paroles du rituel, Elroy asperge généreusement la cage d'essence. McAllister le regarde d'un mauvais œil et lui promet qu'il n'en restera pas là. Cette affaire est loin d'être terminée. Elroy ricane. John s'avance et écrase son cigare sur le visage de son prisonnier, qui prend feu et hurle de douleur. À l'autre bout de la chapelle, du côté du chemin forestier qui mène à la clairière, un groupe de soldats fait irruption. Ouais ouais, je déroule
Overlord comme à la parade, sauf que ce ne sont pas des Allemands qui déboulent mais des SAS, commandos des forces spéciales britanniques. Fusils d'assaut, équipement de combat nocturne et combinaisons noires sur lesquelles sont cousues des croix de Malte, la totale.
Durant le brainstorming, on m'a listé les antagos possibles : chasseurs de sorciers, Rebelles du Hellfire Club et démons. Je me sers des premiers pour dynamiser la scène d'ouverture. Pour le fun n'est-ce pas, je n'ai pas l'intention de déclencher un vrai combat. Je pourrais me le permettre car on joue en
Prémium, ce qui accroît sensiblement la résistance des PJ, mais préfère m'en abstenir. Les SAS, c'est juste pour mettre un peu la pression et lancer la partie sur de bons rails. En vrai, je me les garde sous le coude pour le climax. Car il va bien falloir que les PJ ressortent de l'enfer à la fin de la partie. C'est à ce moment-là que j'utiliserai mes commandos. Pour le moment, ils se contentent d'abattre à vue les assistantes qui ne sont pas assez rapides pour fuir à travers bois.
Cela laisse le temps aux PJ de sortir leurs armes. Ils en ont tous, cadeau du meneur. Faut profiter, c'est pas souvent. En dehors du fait qu'on joue en
Prémium et que je m'attends à pas mal de combats, il n'est pas recommandé de se pointer en enfer désarmé. C'est la meilleure manière de ne jamais en ressortir. Les PJ s'embusquent autour du chœur, dans les ruines, et s'apprêtent à vendre chèrement leur peau aux SAS.
En fait, ils n'en ont pas le temps. Le rituel accompli, la victime brûlée, les voici en effet arrivés en enfer. Hop, je change de plan. Et là comme ça, maintenant que je suis au pied du mur, l'usine infernale, je ne la sens plus trop. Si je lance la partie en mode exploratoire, comme le plan
Dracula me le permet (y'a plein de pièces dedans), je vais gâcher tous nos efforts de créa collective. On va enchaîner les combats contre les démons, ce qui ne nous laissera pas le temps de jouer le drama dark que nous avons préparé. Il nous faut quelque chose de plus intimiste. Plutôt qu'une usine, un... euh, je ne sais pas moi... aaah mais si, bien sûr... un guichet ! L'enfer, c'est rien d'autre que les Assedic : une administration bien relou.
Donc voilà, une pièce de réception sans fenêtres, juste avec une porte en bois (fermée). Les murs de pierre sont partiellement recouverts de lambris, l'éclairage est au gaz (une petite touche steam, juste pour le style), il y a des tapis par terre, des armoires et des bibliothèques contre les murs. Le tout est assez classe, des Assedic de luxe. Je poursuis dans le trip série télé so british sur lequel on surfe depuis le brainstorming. À un bout de la pièce, loin de la porte, une plante verte et un bureau massif, derrière lequel est assis un préposé. Peau écailleuse, yeux jaunes, volumineuses cornes de bouc, costume trois pièces, lorgnon. Il pianote sur un netbook, relève la tête et s'adresse aux PJ qui viennent d'apparaître devant lui, s'enquérant de leur identité et de la raison de leur présence.
John explique qu'ils sont les Bradley et qu'ils viennent pour renégocier leur Pacte. Son plan est de couper l'herbe sous le pied des Rebelles en leur concédant quelques ajustements mineurs, qui lui permettront de ne rien lâcher d'essentiel. Il voudrait aussi trouver le moyen de régler à son avantage son affaire d'héritage (mais ça, il ne l'a dit à personne, c'est son objectif individuel). Le préposé l'interrompt et, agacé, lui demande son numéro d'allocataire. John est interloqué. Quoi que c'est ? Lui a-t-on remis une Clé, oui ou non ? John, qui la porte autour du cou, la sort de sous sa chemise. Le démon la retourne et lit au dos, gravé dans son métal, un code alphanumérique (qui sur le plan primaire est invisible).
Il entre le code dans son netbook, accède au dossier Bradley et s'étonne. Quel est le problème ? Côté enfer, tout est au carré. Aucun ticket d'incident n'a été ouvert. RAS. John réexplique son problème et ses intentions, mais le préposé ne semble pas disposé à l'aider. Dans la discussion, les PJ apprennent tout de même que McAllister dispose d'une clause de résurrection, ce qui éclaire ses dernières paroles dans la chapelle et mécontente John. L'échange tournant franchement en rond, le préposé propose de faire appel à une médiatrice. Il sort son téléphone portable de sa poche et ouvre son répertoire.
Tous ces palabres commencent à gonfler Elroy bien comme il faut. Il se saisit de sa hache d'incendie et en assène un violent coup au préposé. Ce dernier a juste le temps d'objecter un « Je vous le déconseille forte... » avant de, bam!, se prendre un méchant 3 dans la gueule. La hache lui ouvre le crâne au niveau de la mâchoire, façon bûcheron. Un sang noir et nauséabond gicle partout. Le préposé bascule sur sa chaise et s'écroule derrière son bureau, mort. Stupeur et tremblements, comme qui dirait.
Violente altercation entre Elroy et Marion, possédée par Lilith. Les yeux entièrement noirs, elle l'attaque, lui ouvre la gorge et prend un coup de hache. Qui éjecte Lilith. Le calme revenu, la discussion reprend entre PJ. Marion ramasse le netbook, de marque Triple 6 (facilement reconnaissable au logo avec la pomme et le serpent). Par chance, l'appareil n'est pas endommagé. Elle essuie le sang du démon et remarque que son téléphone portable indique Lilith : la médiatrice a bien été bipée. Que faire en attendant son arrivée ?
Elroy voudrait tout casser, John expose son projet de transmigration des âmes (obliger ses enfants à échanger leurs corps), Alice crie au scandale, Marion pisse le sang et balance le secret de Judith, dans l'indifférence quasi générale. Lilith n'arrive toujours pas. Normal, ça roleplaye bien. On est en plein drama, ça poppe de tous les côtés, il serait criminel de ma part de casser l'élan des joueurs. Je les laisse vider leurs persos, et ce faisant valoriser notre brainstorming. On est largement récompensés de notre longue créa collective : le drama a vraiment de la gueule.
Tandis que John relève la chaise du préposé et se glisse derrière le bureau, Elroy part en exploration : il ouvre la porte de la réception. La pièce suivante est un petit salon, une sorte de fumoir. Table basse, fauteuils club, fausse cheminée dans laquelle brûle un feu sans braise ni cendres ni chaleur, juste pour l'ambiance. Face à la porte, dos à la cheminée, une femme nue, assise le plus tranquillement du monde sur l'un des fauteuils. Peau très pâle, chevelure corbeau, un fume-cigarette à la main. Lilith. Elroy reconnaît aussitôt l'infirmière de son enfance. La bombasse à laquelle il a vendu son âme en échange de la guérison de son hémophilie est la même succube qui, de temps à autre, possède Marion. Clairement, elle s'intéresse de près aux Bradley.
John farfouille dans le dossier familial du netbook. Tout est là, un scan du Pacte de 1767 (parchemin, signatures sanglantes, sceaux infernaux, rien ne manque), une traduction en anglais moderne et différentes pièces jointes, l'addenda concernant Elroy notamment. Tandis que dans le fumoir, Lilith commence à discuter (hé, ct'une médiatrice), John essaie de voir s'il n'y aurait pas moyen d'amender le Pacte. Et bin oui, c'est possible et même assez fastoche. Suffit de cliquer sur un menu contextuel pour ouvrir la fenêtre qui va bien. Aussitôt, il rédige une clause d'échange des corps. Sauf que pour la valider, il faut un code. Celui de la Clé peut-être ? Oui bien sûr, l'Artefact avantage, n'est-ce pas.
Reste le coût. Parce qu'en enfer, rien n'est gratuit. Le service surnaturel que demande John est possible, mais doit être acquitté avec une âme, liée par le sang aux Bradley. C'est à John de la désigner : son Avantage, son spolight, son choix. Aussitôt, il propose celle d'Elroy. L'ordinateur la refuse. Déjà engagée, elle n'est plus disponible. Hé, il est Damné d'avoir pactisé avec Lilith ! Marion alors. Rien ne s'y oppose, si ce n'est le fait que cette dernière n'est pas du tout d'accord. Hop, tour de table. Je recueille les arguments des uns et des autres. D'un côté, lien de sang et activation de l'Artefact. De l'autre, Exorcisme, qui ne compte pas pour rien contre les manœuvres démoniaques. Du coup, opposition. Valentin réussit son jet, mais Raph le réussit mieux. Épique !
Avez-vous déjà ressenti un orgasme technique ? Une séquence durant laquelle le système (et les dés, tant qu'à faire) sert super bien le jeu. Et même plus que super bien ? Tout s'emboîte parfaitement et c'est l'extase. Ce fut l'un de ces instants magiques et je rage de ne pouvoir le partager avec vous. Mes explications spoileraient trop les mécaniques de
Prémium et du story deck. Il n'est pas temps encore. Je me contenterai de dire que ce fut grand. Excellent moment, le genre qui récompense de toutes ces heures de laborieux game design.
La clause de transmigration des âmes est validée. J'informe Valentin qu'il peut déclencher l'échange à tout instant : il paie (l'âme de son perso) donc il décide du moment. La limite ultime est le retour sur le plan primaire. Au pire du pire, le frère et la sœur auront échangé leurs corps en revenant dans la chapelle, mais cela pourrait bien avoir lieu plus tôt. À Valentin de voir.
And that's when it all went south.
Le PvP prend du oomph et vire à la boucherie. Judith braque Marion, qui braque Lilith. La succube ne se laisse pas faire : elle possède aussitôt Marion et la contraint à tirer sur Judith. Pleine tête ! Crâne qui explose. Esquilles d'os, cuir chevelu et matière cérébrale qui repeignent le fumoir façon Pollock. Marion vient d'abattre la femme qu'elle aime. Lilith la prévient : « Tu ne me refais jamais ça ». Je donne Alice à Guillaume, qui n'a plus de personnage. Baston générale entre les survivants. Une pure boucherie. Marion meurt. Elroy et Alice permutent. John, qui ne le sait pas, achève sa fille en croyant tuer son fils. Puis Lilith intervient. Elle active le Damné d'Elroy pour le contrainte à rester en enfer, et renvoie John sur Terre.
Dans la chapelle, il ne s'est écoulé que quelques secondes. Les SAS, qui viennent de shooter les assistantes, convergent vers le pentacle dans lequel le corps de McAllister continue de se consumer. Ils mitraillent John. Mutilé par son fils et désarmé (il a laissé sa canne épée en enfer, dans le cou d'Elroy), il trépasse.
Générique.
Et stinger. Les Bradley morts ou disparus, le Hellfire Club est décapité. Les démons remplissent leur part du contrat passé avec McAllister et le ressuscitent, mais dans l'état où il est mort, c'est-à-dire en grand brûlé. C'est assez pour le Rebelle, qui entreprend aussitôt de se venger en abattant tous les Traditionalistes du cercle intérieur. Il impose ses réformes et retourne en enfer pour négocier une refonte du Pacte. Et par qui est-il reçu ? Par Elroy bien sûr ! Dans le corps de sa sœur, derrière le bureau du préposé. Lui qui ambitionnait de devenir prince des enfers se retrouve au niveau zéro de la hiérarchie infernale : hôtesse d'accueil.
Le bilanUne super partie ! 1h45 de roleplay, de drama, de baston, tout cela imbriqué de manière très organique. Pas un temps mort, l'éclate de bout en bout. Bon, ça n'a pas cassé trois pattes à un canard niveau playtest parce qu'on a surtout joué PvP et que ce n'est pas la meilleure manière de pousser Prémium dans ses derniers retranchements, mais qu'est-ce qu'on s'en branle. Ce fut overfun !
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