par azzie » Sam 04 Déc 2004, 12:20
Je crois qu'il y a un malentendu quant à mon intervention précédente, il est vrai un peu lapidaire et peu explicite.
Je ne partage donc pas l'avis selon lequel l'Unirêve est hérétique ou inutile.
Mon plaidoyer, en deux points :
- Il est avéré incontestabment, qu'existent dans les scénarios publiés par DG, des rêves suffisemment amples pour leur donner l'envergure (entres autres, gégographique) d'un monde aux limites étendues à perte de rêve : le secret de Muhringen, comme l'Oeuf de Psiluma, sont des illustrations probantes de ce fait.
Les exemples abondent.
Néanmoins, il serait fortement réducteur de limiter l'apport de l'Unirêve à la seule continuité de rêves qu'il offre (du reste son approche "modulaire" respecte en cela l'équation souvent observée chez Gerfaud : un rêve = un monde).
L'Unirêve apporte également, par le truchement du Tournerêve, les élements qui sont constitutifs d'un monde pluriculturel : confrontation de cultures différentes, et visées hégémoniques d'un des motifs de la mosaïque constituée (Asthar, l'Oeil du Dragon). La politique s'invite autour de la table, plus franchement, et le canevas tracé a les allures d'une toile mouvante. De l'intrigue, voilà qui est plus inhabituel.
- Ensuite, l'essence même du voyageur, étant la découverte, l'apprentissage, et la reconstitution par fragments de son propre archétype, cette démarche s'inscrit dans une quête de sens. Faute de quoi, selon les dires même de Gerfaud, "cela n'est que vagabondage". Mais pourquoi pas après tout.
Toutefois, passer, d'un rêve à l'autre sans y chercher le changement, en expérimentant jusqu'à plus soif d'infimes alternances de motifs réccurents, est une preuve évidente de stagnation, ou que les scénarios eux même tournent en rond. Comme si nos dragons n'étaient tant pelotonnés dans leur sommeil, que leur queue rejoignent leur propre tête !
Le Voyage change le voyageur, et à n'y voir qu'une redondance de lieux communs ou figures de styles, on finit par se perdre dans les limbes de ses propres fractales. A trop ronronner, on finit par muter les rêves en un sommeil paisible : les dragons feront mieux que dormir sur leurs deux oreilles !
Pour résumer : la multiplicité de références aux consonnances familières sont des occurences insuffisantes pour se considérer poutres maîtresses d'un monde étendu.
Ce sont pour moi, les interactions, et a contrario, les allers retours entre ses différentes parties, ainsi qye le choc qui les projette l'un à l'autre (culturel, physique, politique ou violents) qui définissent un univers. L'Unirêve propose aussi cela.
Marco Polo, sur notre propre Unirêve n'était il pas l'incarnation même du voyageur, en quête d'un Occident que jamais il ne trouva, et ré-inventeur d'un Orient où la chaude et capricieuse fantaisie s'y était donné carrière ?
Si le ressort de Rêve est la dynamique du voyage, en quoi cette mouvance est-elle absente d'un univers ferme ? A contrario, il est des bien rêves qui me donnent une impression de renfermé, et de n'offrir au voyageur que peu d'occasion de s'ébaudir, s'émerveiller et d'apprendre. N'enfermons pas l'Unirêve dans cette logique.
La seule interjection qui trouve grâce à mes yeux dans ces attaques, repose sur le principe que, sinon le dénuement du moins l'absence de matérialisme définit le voyageur (sa richesse se trouvant dans la découverte et non la possession). Être du voyage, signifierait-il n'emporter pour bagage avec soi, que son cortège d'histoires insolites ?
Cette problématique, que j'aborde dans un autre thread, est davantage celle de la sédentarisation et du renoncement au voyage, que celui de la cupidité. La renommée, et les biens matériels qui peuvent découler d'une réputation établie dans un univers fixe, ne sont des problèmes en soi que si l'on les utilise à des visées de domination, installé de manière durable. Reprenant le principe de l'Unirêve, les voyageurs sont les témoins ou les arbitres des luttes d'influences entre l'oeil du dragon et les mondes de la tête du dragon. Pas les protagonistes. Du moins n'en ont ils pas la vocation.
La seule hérésie à Rêve, consiste à briser la dynamique du voyage. Voilà le crime dont on pourrait accuser un gardien. Et l'Unirêve, s'il peut comporter ce danger inhérent, n'en est pas pour autant le chantre tant décrié.
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L'onirisme, qui est une pierre anglaire du jeu, est un cheminement tout aussi intellectuel que physique. Et il n'est de ce fait, pas antinomique avec la constitution d'un Unirêve, que je conçois autrement qu'un artificiel patchwork de civilisations, saupoudré de trois ou quatre condiments de songes rongés aux poncifs de la fantaisie classique.
Ma démarche n'est pas autre. Si cette tirade se veut défense contre les voyageurs assoupis dans un rêve trop institutionnalisé, fustigeant l'Unirêve sur de faux prétextes (quand l'exigence rime avec indigence...), mon ambition personelle elle, se situe précisément au croisement des pérégrinations transoniriques et des équipées draconiques.
Mon idée, révèle qu'un homme vient d'établir qu'existe un moyen de voyager de manière, sinon sûre du moins récurrente, entre les rêves (selon un principe, inspirée de l'Unirêve, les fameuses déchirures alternativement jaunes et violettes). Et qu'il aspire, en entrainant dans son sillage les habitants de certains rêves, à unifier ou lier les songes du multirêves. Ceci remettant, cette fois en cause le Rêve, puisqu'en élargissant ces déchirures, se créent par endroits des liens solides entre rêves, qu'on pourrait qualifier de..continuité, et de rêves connexes : transitant par endroits les créatures les plus audacieuses, les échanges semblent se multiplier dans un chaos parfois joyeux, parfois tragiques ! Cette homogénisation cache un secret terrible : si tout le monde fait partie du même rêve, alors, n'est ce pas là une réalité unique ? Est ce une tyrannie ? Que vont penser les Haut Rêvants : seront-ils toujours à même d'influencer la structure du rêve de la même manière ? Cet homme veut il le bien ?
Au fur et à mesure, de leurs différents périples, les voyageurs seront (avec effroi ou non), confrontés à ce dilemme, dont leur implication dépendra de leur vision du rêve. Voilà la structure grossièrement brossée et les prémisses d'une campagne au long cours. Suivre le fil ténu ou trop évident des motifs en arabesques de la toile qui se tisse, sera une prérogative à l'intiative des joueurs, ne remettant nullement en cause l'essence même du jeu.
On peut penser par la suite que de ce concept, et cette [tentative] si les voyageurs décident de la vouer à l'échec, essaimera dans un coin du multirêve, l'Unirêve tel que nous le connaissons.