Hello tous, je reviens avec quelques extraits du journal intime d’un diplomate russe en mission à Paris dans les années 1840. Certes c’est 30 ans plus tôt que l’époque de Falkenstein, mais il y a de la matière à exploiter. J’y ai fait quelques commentaires. Evidemment je n’ai gardé que les extraits les plus intéressants à mes yeux.
Pour l’instant ce que j’en retire c’est que les soirées sont très décousues. Contrairement au règles du théâtre classique, il n’y avait pas vraiment d’unité de lieu

, ce qui rend difficile la description d’une soirée typique : entre les salons, l’opéra, les concerts, le théâtre, le bal (pas forcément à minuit d’ailleurs), un éventuel repas, une soirée costumé… pfiou il y a de quoi s’y perdre. Je me rends compte. Je n’ai pas encore réfléchi à un emploi du temps typique, mais une soirée mondaine typique n’est pas à proprement parler descriptible si je me fie à mes premières impressions. C’est d’une complexité ahurissante.
Un bal à Paris :
On a dansé dans deux salles, au son de deux orchestres, les étrangers y étaient en immense majorité et leur masse compacte écrasait l’élément indigène.
Le narrateur revient sur chacune (enfin une bonne dizaine au moins) des toilettes de ces dames et nous donne son sentiment sur chacune d’elles.
Rien de plus différent que la physionomie d’un bal à Saint Petersbourg et à Paris. Tandis que chez nous (en Russie), la hiérarchie pénètre tout, ici (en France) l’anarchie à tout envahi. Chez nous, cinq ou six femmes, placées par la faveur, la mode ou la beauté au pinacle de la société, règnent en maîtres, en despotes, et brillant d’un éclat mérité ou emprunté, jettent le reste dans l’ombre ou la nullité. Ici, rien de semblable, et une lionne qui se trouverait entourée d’admirateurs dans un salon, se trouvera isolée dans un autre où elle trouvera à peine un ou deux de ses amis. Il en est de même des lions qui rayonnent dans un cercle et vont s’éteindre souvent dans la même soirée dans un autre. J’ai fait danser les demoiselles Apponyi, Cowley et de Serra-Capriola, les jolies petits comtesses Pallaviccini et de Lubersac et deux ou trois de nos dames, qui ne sont en général ni les moins jolies ni les moins élégantes
Commentaire :
La première chose qui apparaît dans le comportement du narrateur, qui est rappelons le Russe, c’est cet esprit perpétuel de compétition. Il ramène sans cesse les choses à une comparaison avec son pays. Il n’est d’ailleurs pas improbable qu’il fasse danser les dames de son pays afin de leur éviter le déshonneur d’être à court de cavalier, et par là même de sauver la face Russe (nul n’irait ainsi suggérer que les dames russes n’ont pas de succès). Mais ceci n’est qu’extrapolation de ma part. Toutefois cela me paraîtrait légitime pour un diplomate de faire briller son pays.
Réception chez les Rothschild
Je rentre de chez Rothschild qui a régale la Société élégante de Paris d’un concert magnifique […]. Les salons quoiqu’un peu bas, sont à la fois d’un luxe oriental et d’une élégance exquise. La société, deux cent personnes au plus, ce qui est fort sobre pour Paris (le baron est un exclusif), occupait quatre salons, dont le salon de musique faisait le centre. Les dames seules y étaient assises, les hommes debout, dans les portes ou dans les pièces voisines. Il va sans dire que le concert a été admirable.
Je suis tout d’abord surpris par le nombre de convives : 200 !!! Et encore, le baron est un exculsif nous dit-on. Je n’ose imaginer ce que doit donner une réception non exclusive : 500 convives ? 800 ?
Ensuite il commente le concert ainsi que les toilettes de ces dames, comme à son habitude. Il ne tarit pas d’éloges sur le concert mais est impitoyable ou excessivement élogieux sur les toilettes (bref il n’y a pas de demi-mesure).
« Faites comme moi, dis-je au duc de Galliera, écoutez d’un côté et regardez de l’autre. »
Il parait que les duchesses d’Albuféra et d’Istrie acceptèrent toutes deux la dédicace de ce propos qui ne s’adressait, en réalité qu’à la seconde et eurent la complaisance extrême de se placer de manière à se laisser admirer : manège charmant qu’elles ont exécuté avec une grâce et une aisance qui accusent une longue habitude
Charmant métier que d’être jolie, dis-je à mon voisin
La duchesse d’Istrie me tourna le dos.
« Voyez donc monsieur le duc, de mieux en mieux. »
« Et la Duchesse reprit sa première position. » En un mot, la soirée a été réellement charmante.
Réception chez l’ambassadeur de Naples.
De nouveau concert assorti d’une critique impitoyable de la chanteuse (trop vieille) de l’écriture, du nombre trop important de convives, de la chaleur des lieux etc…
Dîner chez le Roi
Le narrateur nous décrit le protocole et nous explique ensuite le jeu des conversations à table : deviner la nationalité de ses voisins :
Le hasard m’a fait asseoir entre Mr Gréville, second secrétaire de l’ambassade d’Angleterre, et le colonel aide de camp du Roi, duc de la Rochefoucauld-d’Estissac. Ne nous connaissant pas, il a fallu nous deviner mutuellement, ce qui n’a pas été long pour l’anglais qui s’est trahi par son accent […] Quand à moi je me suis amusé à intriguer mes voisins le plus longtemps possible.
« Tenez, d’abord il nous a parlé cavalerie et chevaux de remonte, il pourrait donc être Prussien, puis il a parlé bonne chère, ce qui pourrait le faire prendre pour un Internonce s’il en avait l’âge et le costume ; or il a glissé comme une anguille quand nous avons voulu tâter de la politique et ce qu’il a dit, il l’a dit dans le langage et l’accent de nos marquis les plus merveilleux ; réunissez tout cela et vous aurez un Russe ou je ne m’y connais pas. »
L’on aperçoit ici toute l’importance de l’Aisance Sociale. Bien que ludique à n’en pas douter, ce n’est pas un jeu anodin. Il est très probable que le Duc de la Rochefoucauld ait eu à souffrir socialement s’il s’était trompé. Soit ce dernier a effectivement deviné qui était notre Russe ce qui dénote une Aisance Sociale remarquable, soit il le savait avant et a joué le jeu, ce qui correspond plus à fort niveau en Relations. Peu importe, en tout cas la question ne se pose pas directement. Il faut deviner à qui on a affaire et face à d’excellents diplomates capables de maîtriser plusieurs langues sans le moindre accent cela est rendu extrêmement difficile.
Les discussions tournent souvent autour de la politique et notamment des situations intérieures des pays des convives. Cependant le cadre s’y prête
« Mais pourquoi donc persécutez vous ces pauvres catholiques ? »
« Monsieur le duc, lui repondis-je, la bouche pleine de truffes, et de l’air le plus innocent, de quelle religion étaient Carême et Brillat Savarin ? »
Je ne sais pas à quoi il faut allusion, mais c’est apparemment une plaisanterie un peu fade qui vise à faire comprendre à son interlocuteur que le sujet n’est pas heureux. Il noie le poisson en quelque sorte, sans pour autant humilier son interlocuteur, lequel ne lui en tient pas rancune.
Après il s’entretient avec les membres de la famille royale
Puis à 20 heures il rejoint semble-t-il un opéra
A 23 heures, il se rend chez une de ses amies, pour du théâtre. Puis à minuit il se rend chez une duchesse pour une soirée.
La Société Française
Y a-t-il une société française ? Et si elle existe, où est-elle ? A proprement parler, il n’y en a pas : toute Société a besoin d’un centre. ; ici ce centre n’existe pas ; il n’y a donc que des coteries sans liens entres elles ; ce sont autant de membres épars d’un corps mutilé par les révolutions. Chacune de ces coteries a une couleur, une nuance qui lui est propre, chacune d’elles est un feuillet déchiré du grand livre de l’histoire nationale, une page du passé, ou le programme de quelque idée nouvelle, de quelque révolution à opérer dans l’avenir. Les ambassades, celle d’Autriche surtout, sont un terrain neutre où les jours de grande réception, ces coteries se rencontrent
Dans un salon diplomatique :
La maîtresse de maison à l’obligation de venir dire un mot au moins à chacun. Ce qui suppose une organisation sans faille ! Certaines dames semblent n'avoir été invitées là que pour agrémenter la pièce. Je ne dis pas que ce sont des potiches mais c'est clairement le rôle qu'on veut les voir remplir (et que souvent elles remplissent). En tout cas c'est ce que l'on peut conclure des écrits de notre diplomate.
Les salons sont bien évidemment thématiques. Sauf certains qui sont "neutres" c'est à dire que l'on y parle de tout. Dans ce genre de salons les convives se réunissent en thèmes en général thématiques : le cercle litteraire à tel endroit, le cercle diplomatique à tel autre, le cercle scientifique, le cercle politique etc... Quelques personnes vont d'un cercle à l'autre mais en général on reste sur son cercle d'appartenance. Notre diplomate par exemple a une fonction a remplir et peu de temps hélas a consacrer au arts par exemple. Il est amusant également de constater l'intérêt d'une nation a dominer les salons les plus en vues. Les diplomates notamment s'en donnent à coeur joie et les rivalités sont fortes. Ainsi dans le récit de notre diplomate, a propos d'un salon très recommandé, il nous décrit comment certains considèrent la suprématie des russes dans ce salon, là où d'autres ne jurent que par la finesse britannique alors qu'en fait aucune des deux nations ne domine vraiment le salon en question. Finalement ce qui fait la réputation d'un salon c'est surtout la personnalité de la maîtresse de maison. D'elle dépend tout. Les meilleures hôtesses sont les plus courtisées et les critères qui reviennent le plus souvent sont : l'amabilité, la culture, la douceur la gentillesse. C'est à dire que l'hotesse doit être capable d'apporter vraiment quelque chose au salon sans entraver les personnalités de ces invités. Elle ne doit pas avoir trop de personnalité (sauf peut-être dans les salons artistiques) mais saura se faire respecter par son charme et sa douceur naturelle. Les hôtesses sont, contrairement à la plupart des leurs invités féminines très rarement des potiches. Bien au contraire.
Une soirée musicale s’accompagne d’un programme sur lequel on annonce les œuvres jouées, les interprètes et les compositeurs. Pour une grande soirée musicale, on trouve pas moins de 14 interprétations répartis en deux parties de 7 interprétations chacune (désolé je ne connais pas les termes techniques)
Le narrateur est un vrai coureur de jupons : il pouvait fréquenter jusqu’à 6 dames de noble famille en une seule soirée ! (ou alors c’est un sacré vantard)
Bal costumé de la Reine d’Angleterre :
Les costumes appartenaient à l’époque de Louis XV, et la poudre était de rigueur pour tous. Tout le monde en effet en avait mis sauf Lord Aberdeen. Ceci paraissant peu orthodoxe, voire même peu courtois à la Reine, elle s’approcha de son ministre des Affaires Etrangères et d’un ton légèrement piqué, dit-on, lui demande l’explication d’une fantaisie aussi juvénile.
Si quelqu’un ici est en règle, répondit Lord Aberdeen. C’est assurément moi, et la preuve c’est que l’habit et la perruque que je porte appartenaient l’un et l’autre à mon grand père, Lord Aberdeen, qui seul avait obtenu de sa majesté Georges II le précieux privilège de ne point porter de poudre, et pour peu que Votre Majesté désire avoir les preuves de ce que j’avance, demain, en plein conseil, j’aurai l’honneur de lui soumettre l’acte original signé de la main de son illustre aïeul
Bon faut encore que je continue à lire tout ça mais je préfère m’arrêter pour aujourd’hui…
It's like Arnold Schwarzenegger riding on a golden stallion, shirtless, across a snowy plain, throwing chainsaws at zombies, with everything on fire. It's too epic for words. ...