samedi 27 avril 2013, par
Cet article est la suite de la nouvelle Mauvaise passe. Luna, désormais recrutée par Lance, fait route vers une destination inconnue. Le dénouement ne sera heureux pour personne. A l’image de son recrutement, rien ne s’est passé comme prévu.
Lance avait raison, il avait réussi à rameuter pas mal de monde autour de lui pour cette entreprise. Le vieil Orca était son navire personnel. Il accompagnerait un navire de plus gros tonnage, de toute évidence un amas de plusieurs modèles brillamment imbriqués les uns dans les autres par une équipe de frapadingues. Le nom du navire ne fut pas prononcé, Luna connaissait ce tabou. Dans ce coin de des océans, quand un navire est fait de plusieurs navires, le renommer porte malheur. Dirigés par un vieux à l’air revêche, prénommé Karl suivi d’un numéro de couvée hégénonienne qu’il refusa d’articuler correctement, quatre mécanos débattaient sur le bon ampérage à mettre dans une EXO3 d’assez bonne facture. Débattre était un terme un peu élogieux pour décrire la foire d’empoigne à laquelle ces tarés se livraient. Un plongeur trifouillait une seringue hypodermique en murmurant, l’air totalement absent. Luna savait reconnaitre un dro-gué quand elle en voyait un, et lui abusait des drogues pour lutter contre le mal des profondeurs. Le mutant complétait le tableau, assurant à la fois la sécurité et apparemment le poste d’oreille d’or. Cet équipage ne comprenait pas de pilote, Luna comprit pourquoi. Une deuxième équipe, composée de Lance, du toubib et de deux frangins assez taciturnes, s’occupaient de servir dans l’Orca. Ainsi, Lance la voulait comme pilote pour le navire d’opération principal. Etre aux commandes de ce truc relevait plus du challenge que d’une honnête mission. Luna s’installa aussi confortablement que possible dans la pseudo-cabine qui lui était dédiée, un cagibi de 1,5 m sur 2 parcouru par des tuyaux de chauffage. Au moins elle ne souffrirait pas du froid… Le reste du navire était un parangon de pragmatisme poussé à l’extrême, le moindre confort avait été banni au profit d’équipement de survie et de systèmes liés à la tenue en mer ou aux opérations de plongée et de travaux sous-marins. Survivre à son bord s’apparenterait plus à un séjour en vaisseau prison.
Luna comprit rapidement comment marchait son nouvel équipage. Le capitaine était un de ces vieux loups de mer avec des lubies qui vous ordonnait brusquement de virer à tribord sans crier gare et se mettait à scruter le sonar comme s’il cherchait une pépite dans les fonds marins. Et le reste était à ses ordres, mis à part le mutant, profondément solitaire. Les mécanos étaient peut être des malades mentaux mais ils s’y connaissaient et avaient déjà pas mal de campagnes de recherche de trésors à leur actif. En fait, à moitié pilleurs de ruine, à moitié charognards, cette équipe semblait suffisamment braque pour s’engager dans le flot du Styx, si leur capitaine leur demandait… Et s’il y avait un peu d’argent à se faire. Du côté de l’Orca, l’autre équipe suivait, un câble de communication reliant les deux navires pour discuter des meilleurs points où trouver l’épave. Et cette recherche ressemblait à un jeu de devinettes ou à la grande loterie de l’Union Méditerranéenne. Lance avait trouvé son navire dans la base de données, un gros cargo portant le doux nom très original de Poséidon. La cargaison était des pièces usinées d’armures et de vaisseaux légers, ce qui avait pour don de faire baver d’impatience le reste de l’équipage et de faire bruyamment soupirer Luna. Elle n’avait pas le tempérament de ferrailleuse. La stratégie consistait à analyser les routes les plus probables, à éliminer les zones trop évidentes qui n’auraient pas manquées d’être déjà découverte et de se concentrer sur des endroits où le terrain était propice soit à une attaque pirate, soit à un accident.
Après presque un mois de recherches, les équipages commençaient à avoir les nerfs en boule. Les engueulades entre les mécanos fusaient pour n’importe quel sujet, que ce soit mécanique ou de la meilleure manière de cuire un bol d’algue. Le plongeur anonyme restait de longue période dans sa cabine à côté de l’Exo3. Quant au capitaine Karl, il devenait de plus en plus désagréable et sec avec Lance lors de discussions sur les routes à explorer. Luna essayait de résister à toute cette mauvaise humeur, mais elle savait qu’au fur et à mesure, elle allait devenir perméable et irascible. C’est l’une des raisons pour laquelle elle bossait en solo généralement. Seul le mutant restait constant. Bonjour de temps à autre, merci parfois, mais rarement plus. Sur l’Orca, elle comprit assez rapidement que l’ambiance était plus cool. Les deux frères étaient des optimistes dans l’âme, lors de leur rare prise de parole. Et le docteur semblait un joyeux luron. Elle appréciait discuter avec lui via le câble de communication lors de ses quarts de pilotage.
Le 29ème jour, le mutant fit taire tout le monde. Il passa en manuel et devint encore plus silencieux, comme si c’était pos-sible. Une masse métallique gisait par 5200 mètres de fond. Le plongeur débarqua comme un fou dans le poste de pilotage. « C’est bon, on a un truc, je vais plonger ? » Sa voix était bien haute, il était limite en pleine crise de joie.
« On envoie le robot, ensuite tu plonges et tu ramènes toutes les info possibles. » Karl, souriait de toutes ses dents noircies à la chique d’algues. Le plongeur alla s’équiper avec l’aide d’un mécano, pendant que l’autre maniait le slider. Celui-ci confirma rapidement quelques détails mais le plus important : c’était le Poséidon.
La plongée d’exploration se passa sans gros problème. Les types à la manœuvre étaient des pros. Et ce sursaut d’excitation leur redonnait une bonne dynamique. Après plus de 2 heures, le plongeur émergea du sas et commença à discuter avec les autres sur la meilleure façon d’entrer et de stabiliser les parois de l’épave. Luna décrocha de cette discussion trop technique et alla se réfugier dans le poste de pilotage. Le toubib était à l’autre bout du câble. Ils démarrèrent la conversation sur l’état d’esprit des équipages.
« Lance doit être fou de joie, non ? » Luna le savait déjà, mais entendre le toubib disserter sur la psychologie des hommes était sympa.
« Il est calme, son premier but est atteint. Il sait que mis à part de gros problèmes techniques, son affaire est faite. Ne crois pas qu’il soit aussi jeune chien fou et enthousiaste, il sait atteindre ses objectifs et tout faire pour y arriver. Même les actes les plus durs. » La voix du toubib était douce mais elle sous-entendait trop de choses.
« Que voulez-vous dire ? Qu’a fait Lance pour y arriver ? » Luna sentait qu’un truc clochait, qu’elle pouvait être concer-née.
« Il vaut mieux ne pas en parler, c’est idiot de ma part, et puis la curiosité est un vilain défaut. Certaines choses ne doivent pas remonter à la surface. Je dois y aller. » Le clic de fin de communication provoqua une tempête dans la tête de Luna. Que voulait-il dire ? Un doute affreux l’étreignit, comme si elle revoyait enfin dans les brumes depuis sa séance de torture. Et si Lance avait manigancé tout ? Il avait été son premier contact et la bande de pirates était arrivée de façon inattendue. Luna se dit que le stress des dernières semaines l’influençait trop. Elle se coucha. Ses tortionnaires peuplèrent ses cauchemars.
Le lendemain, un plan pour accéder aux entrailles du Poséidon était établi et tout le monde pria ses idoles pour qu’il fonctionne. Vu l’équilibre de l’épave sur une saillie rocheuse, le risque d’effondrement était important. Le plongeur semblait enfin clean, totalement absorbé par sa préparation. Il disparut dans le sas avec une grande quantité de matériel. Un des techniciens l’accompagnait pour le sécuriser. Lance intervenait comme troisième plongeur et montrait que ses talents ne s’arrêtaient pas seulement à la navigation au flair et au tir au fusil automatique. Le travail dura plusieurs jours, avant de démarrer les étapes de découpe dans la paroi du vaisseau abimé. L’équipe de travail opérait avec maintes précautions, et consolidant les abords de l’entrée qui devrait permettre d’accéder à la cargaison. Le principal rôle de Luna dans cette phase était de vérifier les sonars quand le mutant ne s’en chargeait pas et de faire des déplacements prudents du navire pour faciliter les opérations.
La première caisse de la cargaison apparue dans le sas et les mines réjouies de l’équipage faisaient plaisir à voir. Toute l’équipe s’était réunie pour assister à l’évènement. Luna scruta Lance durant tout son court séjour dans les soutes du navire principal. Il paraissait tendu, plus que fatigué par le travail. Mais il ne prêtait absolument aucune attention à elle. Dans les jours qui suivirent, une grosse vingtaine de caisses rejoignirent la première, contenant des pièces détachées, de taille variable. Enfin des pièces de superstructure d’armures et de petits chasseurs furent extirpées du ventre du gisant. En interrogeant les autres, Luna apprit que Lance avait fait des explorations seuls dans l’épave, contre toutes les règles de sécurité. Elle se doutait qu’il était à la recherche de son mystérieux trésor mais elle n’arrivait pas à avoir d’autres in-formations. Le toubib ne lui parlait quasiment plus et elle sentait que sa place au sein de l’équipage s’estompait peu à peu. Sa carrière en solo allait reprendre d’ici peu.
Après une dernière plongée pour vérifier ce qu’il restait à récupérer, Lance annonça que les vaisseaux levaient le camp. Ils notèrent la position pour la revendre à des ferrailleurs et rentrèrent vers une petite station en bordure du no man’s land. Le voyage fut très tranquille. Luna en fut assez étonnée : comment se faisait-il que ni à l’aller, ni au retour, aucun pirate n’avait montré le bout de son museau ? Dans une zone aussi dangereuse en temps normal, le fait était assez surprenant pour être noté. Voire être approfondi. Mais elle n’avait pas le temps.
Au moment où les deux navires se rapprochèrent de la station de relâche, le mutant proposa de prendre les commandes. La topographie était assez dégueulasse avec des pics rocheux et un point d’amarrage planté en plein milieu d’une crevasse, il fallait être sûr de son coup pour l’approche. Et le mutant n’avait jamais demandé à piloter. Karl leva un sourcil, Luna opposa un refus net. Elle sentait sa nuque la picoter. Mauvais signe. Le mutant parut agacé et sortit de la passerelle. L’Orca passa devant, Luna communiqua avec le pilote pour savoir comment on procédait à l’approche. Elle constata avec surprise que ce n’était pas Lance qui pilotait mais le toubib. Depuis quand il savait se débrouiller avec un panneau de pilotage lui ? Il lui indiqua la route à suivre et les points d’attention.
« Fais attention à ne pas trop tourner autour de la station, il y a des pitons rocheux assez traitres. » Il y avait déjà des élévations qui menaçaient de déchirer la belle coque du navire amiral, cette remarque du toubib paraissait légèrement superflue.
« J’ai vu, mais j’avoue qu’il y a meilleurs endroits pour faire relâche, non ? Lance a décidé de nous isoler totalement ? Pourquoi cette station ? » Luna voulait des explications. Pour toute réponse, le toubib lâcha un « fin de communication » et le câble se détacha de la paroi de l’Orca.
Sous un aspect tout à fait banal, Luna sentit que la situation nageait vers un état tout à fait mystérieux. L’Orca s’arrima presque correctement même si elle jugea la manœuvre digne d’un jeune capitaine sorti de l’école navale. Elle se posa sur les arceaux de maintien avec aisance, coupa très rapidement les moteurs et ne fit pas le checkup d’arrêt. Elle partit droit vers sa cabine et tira de derrière les conduites un pistolet acquis juste avant l’embarquement. Deux chargeurs suivirent et un couteau, le tout planqué sous sa gabardine. Elle sortit rapidement par le sas secondaire du vaisseau, en faisant attention à ne pas être repérée. Des types patrouillaient le long de l’embarcadère et un groupe plus important attendait à côté de l’ascenseur de débarquement principal. Ils ne s’attendaient pas à ce qu’une personne de l’équipage utilise un sas avec échelle à barreau pour sortir du navire. Luna se planqua parmi des caisses et observa. Son instinct lui avait dit que tout cela n’était pas normal, elle ne s’étonna même pas de voir la majorité de ses compagnons tenus en joue par les hôtes de la station juste après le débarquement. Seuls le toubib et le mutant semblaient libres. Elle comprit pourquoi quand ce dernier se jeta sur un des frères et entreprit de le démembrer. Ses autres compagnons d’infortune profitèrent de cette attaque pour jouer leur vatout. La bagarre inégale se termina rapidement. La majorité de ses anciens compagnons étaient au sol, râlants ou inconscients. Lance avait profité de ce bordel pour se faire la malle, Luna sortit de sa cachette et prit une coursive latérale. Des tirs automatiques résonnèrent dans la station. Elle erra un quart d’heure avant de s’arrêter, sur le qui-vive. Un son léger de frottement et de respiration l’avait averti d’un danger. Elle sortit le couteau et se déplaça le plus silencieusement possible. Elle savait que planter un couteau dans quelqu’un nécessitait soit une peur immense ou une maitrise de soi tueuse. Elle opta pour la première solution. Elle repéra la forme qui se trainait dans l’ombre. Et bondit. La lame allait trancher la gorge, la deuxième main tirant les cheveux en arrière. Lance émit un râle. Luna hoqueta et lâcha sa proie. Elle prit une distance de sécurité. Lance regardait Luna sans dire un mot, une main tenant son ventre blessé. Il se vidait de son sang.
« Désolé de t’avoir attiré dans ce merdier. Tout a foiré. » Il rigolait douloureusement.
« Tu es en train de crever et tu te marre, depuis quand es-tu aussi barge ? Depuis que tu m’as tendu un piège ? » Luna ne rigolait pas du tout, elle serrait la poignée de son couteau de manière convulsive.
« J’imagine que le toubib t’a raconté comment on t’a recruté ? Oui, tu étais la seule qui fasse l’affaire, alors il fallait te convaincre. Le toubib n’est pas totalement vierge dans le plan. Il connaissait la bande de pirate à la manque. Le plan venait de moi, mais on devait te sortir plus tôt. On t’a raté à cause de l’autre mutant qui n’a pas réussi… à te localiser. J’imagine qu’il… l’a fait… exprès. »
Luna s’imagina frapper à mort l’enfoiré qui mourrait à ses pieds. Il était responsable du pire cauchemar de sa vie, tout ça pour qu’elle bosse pour lui. Putain de recruteur !
« Luna, je vais crever dans quelques minutes, suis foutu. Y’a un navire dans la zone 2… une caravelle, en état de marche… ma porte de sortie… prend le, et laisse tomber cette affaire… suis sûr qu’ils bossent pour une confrérie pirate importante… va dans un coin plus sain… vis »
Son dernier mot fut prononcé dans un souffle morbide, la derrière parcelle de vie s’échappa du corps de Lance. Au moins sa dernière décision était une bonne action. Malgré sa haine, Luna ressentait une sorte de reconnaissance.
Elle récupéra le pistolet mitrailleur de Lance, quelques chargeurs et le rare matériel qu’il portait. Direction la zone 2. En fait, cette partie était dans un état lamentable, laissée à l’abandon. Une passerelle grinça tellement, que Luna dut se tenir à des conduites pour éviter l’effondrement. Parfois, un son venant de derrière lui indiquait qu’on la recherchait. Elle atteint au bout d’une demi-heure ce qui ressemblait à un sas d’arrimage. Il était en état de fonctionnement. Par contre, elle repéra aussi le système de contrôle à distance. Dès qu’elle ouvrirait la porte intérieure, un clignotant se mettrait en marche dans une obscure salle de commandement, qui alerterait un type qui bloquera l’ouverture de la porte extérieure. Et elle resterait bloquée dans un sas qui pourrait être noyé à loisir. Bref il fallait faire vite, ne perdre aucune seconde, et prier pour que le gardien de sa vie était fatigué et lent d’esprit. Ou trop procédurier pour agir sans consentement avec son chef. Elle activa l’ouverture de la porte, rentra dès que l’interstice fut suffisant, força pour refermer la porte le plus vite possible. En s’arc-boutant, elle gagna quelques instants et se lança sur la seconde porte pour lourdement s’écraser dessus en actionnant son ouverture. La porte s’ouvrit, elle se glissa quand soudain, le voyant de fermeture d’urgence clignota. La sirène retentit. De l’autre côté, la masse noire du mutant bondissait sur la première porte. Elle lutta pour passer sa jambe encore dans le sas et hurla avec l’énergie du désespoir. Son cri fit écho au hurle-ment de rage de son poursuivant. La porte se referma sur le tissu de son pantalon.
L’arracher, violemment. Prendre le contrôle de la caravelle, vite. Se désarrimer, en forçant les sécurités. Prendre de la vitesse et s’éloigner.
Le sonar annonça deux véhicules en vitesse rapide. Des chasseurs. Luna se moqua royalement de savoir quel type, ils étaient là pour elle et largement plus armé. Elle vérifia juste de quelles armes disposait son navire. Un canon à supercavitation. Pas de torpille. Et une petite cinquantaine d’obus. C’est-à-dire rien.
Elle avisa une anfractuosité qu’elle avait vue en arrivant, et mit les gaz. Visible comme un requin baleine dans un aquarium pour poisson rouge, elle observa les deux chasseurs changer légèrement de cap et se diriger vers elle. Deux nouveaux échos se détachèrent des vaisseaux assaillant, à grande vitesse. Elle entama une série d’embardée pour casser les trajectoires des torpilles. La première décrocha totalement après son premier break. Son système d’acquisition essaya certainement de la reprendre en chasse, mais les parois étaient proches. Elle explosa en provoquant une résonnance importante. Ce bruit permit peut-être de brouiller un peu plus le sonar d’accroche de la seconde qui la dépassa sans exploser. Luna réduisit brutalement les gaz. Les idiots qui pilotaient les chasseurs tirèrent la seconde salve, bien trop tard. Luna plongea dans le dédale de roches qui tapissait les fonds marins sur près de 60 mètres de hauteurs. Elle réduisit encore les gaz et changea de cap en passant dans une zone encore plus fouillis. En dessous de sa vitesse tactique, elle effectua un demi-tour. Les deux nouvelles torpilles la perdirent. Elle brancha le canon, et attendit, à l’arrêt. Elle était presque invisible pour un sonar passif, les pilotes devraient mettre l’actif en marche. Ce qu’ils firent, en passant au-dessus du lacis de rochers. Luna ajusta son canon sur le premier chasseur, brutalement très visible sur son propre sonar passif. Elle lâcha une rafale, puis une deuxième, enfin une troisième. La première passa devant, les suivantes firent mouche. Le chasseur implosa. Son acolyte effectua une manœuvre d’esquive circulaire. Luna accéléra et coupa sa trajec-toire, lâchant frénétiquement des rafales. L’une d’elle fit mouche, mais sans détruire l’adversaire qui alluma les boosts et bondit loin sur le tribord de Luna. Il tentait de se positionner derrière elle sans éteindre son boost. Luna profita de cette erreur de débutant, réduisit sa vitesse et cassa sa trajectoire à bâbord avant d’accélérer. La vitesse de son adversaire était trop élevée par rapport à la sienne, et malgré la manœuvrabilité pataude de la caravelle, elle réussit à croiser à nouveau sa trajectoire. En tirant. Un seul obus de son avant-dernière rafale toucha le chasseur. Mais il était bien placé, dans le cockpit. Le pilote fut touché, Luna en eut la certitude quand elle vit dans son phare un fugace nuage brun. Le chasseur s’écrasa contre une paroi. Luna déguerpit comme elle put.
Elle prit le temps de regarder ce qu’il y avait dans la soute et palit. Une petite dizaine de torpille de contrebande était entreposées. Lance faisait le même métier qu’elle apparemment. L’état des torpilles indiquaient qu’elles avaient fait un séjour dans l’eau, de la récupération en somme.
Son sonar bippa. Elle constata qu’une grosse frégate avait rejoint la station et commençait à la prendre en chasse. Les communications étaient saturées par un message qui demandait sur un ton calme de ne pas faire de bêtises. Les sons flous du message en basse fréquence lui permirent tout de même de comprendre qui parlait : le toubib. Ce salaud jouait à l‘ami paternaliste. Luna observait la frégate prendre du terrain. La caravelle se déplaçait à la vitesse d’un éléphant de mer asthmatique. Elle prit une décision. Elle se posa sur le sol dans un éboulis et commença sa bidouille. La frégate mit un bon quart d’heure à scruter le plancher océanique avant de la trouver. Une dernière fois, le toubib lui demanda de rejoindre la frégate. Elle obtempéra.
Sur le pont de la frégate Moebius, le capitaine sourit. Enfin le dernier élément de cette bande d’idiots se rendait. Il hésita à la torpiller mais l’être qui parlait calmement dans les hauts parleurs lui avait dit qu’il la voulait vivante à bord de la frégate. Elle valait de l’argent à la revente, c’était sûr. Et il n’était pas homme à s’opposer à l’âme damnée de son patron. Celui-ci allait être content, ils avaient récupéré la cargaison et éliminé les exécutants, ce qui permettait de garder la confidentialité de cette affaire. Même l’équipage du Moebius ignorait la raison de cet échange. Mais c’étaient des pirates et prendre des proies était leur métier. Que les proies soient dans une station ou une petite caravelle, peu leur importait.
Luna s’approcha de la frégate, elle s’étonnait d’être encore en vie. Le toubib la voulait vivante, sinon son navire ne serait plus de ce monde. Elle garda son cap. Ses mâchoires lui faisaient mal, les gouttes de sueur perlaient. Elle pleurait douce-ment.
La caravelle se dirigeait vers la frégate. Le capitaine observa sa trajectoire. Le bras droit de son maitre souriait en regardant sa victime obéir. Le sas d’amarrage était à l’avant. Le capitaine eut un doute, un affreux doute. Il ordonna de mettre en batterie les armes de barrage. La caravelle accéléra et passa sous le ventre du Moebius. Le capitaine hurla un ordre de feu à volonté. Le « toubib » ne sourit plus du tout. La caravelle remonta, les tirs de barrage noyèrent l’eau de projectiles, mais la cible était trop proche et dans un angle mort.
Luna sentit quelques éclats d’obus perforer la carlingue de son navire. Des fuites éclatèrent, sous la pression énorme de l’eau. Il fallait tenir quelques secondes. Elle mit les moteurs au maximum.
Le capitaine, le toubib et le chef mécano virent avec horreur la caravelle rentrer dans le ventre du Moebius. Un choc violent projeta une partie des hommes de pont à terre. Le chef mécano, accroché à son siège, regarda les dégâts. Faibles. Il condamna deux coursives, noyant quelques-uns de ses hommes. Il sourit et se retourna vers son capitaine, l’air triomphal. Le Moebius tenait.
Luna sentit à peine le choc, la cabine s’écrasa, la caravelle s’encastra dans la coque de la frégate. Durant quelques secondes, l’ensemble ressembla à un gros furoncle crevé collé sur un animal. Le détonateur mit à feu la seule torpille en état de fonctionner. Toutes les autres se joignirent à elle dans un élan de solidarité.
L’énorme explosion déchira la coque du Moebius mais surtout créa une grosse bulle d’air. La nature a horreur du vide, le centre de la frégate entreprit de le combler. Le Moebius s’effondra en son milieu, le dos du navire se tordit et cassa net. Les deux moitiés de vaisseau s’enfoncèrent dans les eaux noires, entrainant son équipage.
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