dimanche 27 décembre 2009, par
Daidoji Kyome s’ennuyait ferme dans son bureau. Plus on grimpe dans la hiérarchie, et plus soit on a du boulot, soit on en a pas. Les dossiers ne s’accumulaient pas sur le bureau de Kyome, car il n’en recevait guère plus de un par demi-journée, et il lui fallait guère plus de 2 heures pour s’en charger. Il passait donc la plupart de son temps à apposer des tampons sur des piles de documents sans aucun intérêt pour lui.
Il grignota un biscuit apéritif au fromage et fit une grimace de dégout.
L’unique plaisir qu’il avait à remplir cette paperasserie consistait à rire des déboires de la famille Yasuki à cause de la tutelle dont disposait les Daidoji sur leurs activités. Seules les sociétés du rail échappaient à la main mise des Daidoji sur la famille de la carpe. Chaque fois qu’il lui en prenait l’envie, il gênait les transactions des crabes.
Mais il n’en avait pas envie tout le temps, car de telles distractions n’étaient guère dans sa mentalité. Il s’ennuyait donc, tamponnant d’une main lasse les formulaires divers et variés qu’on lui apportait.
Puis sa secrétaire entra, la belle Doji Konishiko. Il posa un instant son regard sur son corps musclé, et se rappela qu’ils avaient fait l’école ensemble.
"Konnichi-wa, Kyome-sama. Je vous apporte un colis arrivé ce matin."
"Kon... Konishiko-chan. Que contient-il ?"
"Nous ne l’avons pas ouvert, mais les détecteurs et les shugenjas assurent qu’il ne s’agit pas de quelque chose de dangereux. Il est adressé à votre nom propre, de la part d’un certain Bayushi Djubi. D’après nos renseignements, il s’agit d’un membre de moyenne importance du clan du scorpion. Il vous a déjà croisé lors de réceptions et à propos des accords sur certaines technologies Shosuro."
"Je me rappelle, je me rappelle ..." Kyome sentait une étrange sensation en lui, comme si ce nom lui rappelait des choses lointaines et oubliées. Il rejeta cette impression au plus profond de lui.
"Bien, laissez ce colis là, je m’en occuperai tout à l’heure. Je suis très occupé."
Il fit semblant de s’affairer à d’imaginaires occupations, déplaçant tel une tornade les papiers accumulés sur son bureau.
"Hai, Kyome-sama." Une pointe de glace se fit sentir. Elle posa le colis sur un meuble près du bureau de Kyome, avant de s’en aller dans le plus grand silence.
Kyome regarda le colis posé devant lui, et essaya de résister un instant à la tentation. Malgré tout ses efforts pour s’atteler à tamponner la pile de documents marqués urgent, il ne pouvait faire quitter de son esprit l’image de ce colis bien mystérieux.
Il essaya de se remémorer ses rencontres avec Bayushi Djubi. C’était un scorpion élégant, attirant pour ceux du sexe féminin, adroit de ses paroles et très poli. On disait de lui que c’était un junshin, et il était condamné par bien des choses à ne jamais grimper en importance dans le clan du scorpion. Il avait toujours une impression bizarre en croisant cet homme, comme si longtemps avant, ils s’étaient déjà rencontrés.
Kyome rit un instant en pensant qu’il pouvait avoir un lien kharmique avec un tel homme.
Il commença à ouvrir le paquet, et découvrit une petite carte : en remerciement de votre aide dans notre affaire. Bayushi Djubi. L’écriture était hâtive et élancée, légèrement pressé, comme si le temps avait manqué à celui qui l’avait écrit. Certaines lettres avaient de l’encre rouge mélangé à la classique encre utilisée pour le reste du document. Les majuscules, pour la plupart.
Kyome n’y prêta pas attention. Il s’empressa d’ouvrir l’objet de ses désirs. Il se demanda encore une fois pourquoi il sentait la plupart de ses sentiments exacerbés. Il se dit que c’était le stress d’une vie de dirigeant grue que lui pesait.
Il déchira les liens qui recouvraient une petite boite de bois laquée, sertie d’un joyau de feu. Un rubis sombre, comme ceux que l’on trouve dans les déserts du coté de Medinah Al-Salaam. La boite était faite d’un bois très sombre, presque de l’ébène, travaillé par des mains d’artistes délicates. Un travail de plusieurs années, fait par quelqu’un de très doué. Un cadeau de grande valeur.
Kyome fit tourner la serrure, qui représentait une gueule de dragon hurlant. Le grincement des gonds résonna durement un moment, tant ils résistaient à l’effort. Le grue ouvrit de grands yeux en regardant le joyau qui reposait devant lui. C’était un cercle de bois recouvert d’or, aux décorations ouvragés datant de bien longtemps avant sa naissance. Les dorures formaient des entrelacs de fils d’or et de bois rouge, veinée par de nombreux sillons pourpres.
L’artiste avait su profiter des caractéristiques naturelles du bois pour embellir son œuvre. L’ensemble des décorations formaient une mosaïque où l’on pouvait admirer un dessin d’un grand félin. Pas un lion, mais plutôt un tigre. Le Daidoji n’en était pas sûr, mais ce qui le surprit le plus c’était cette sorte de masque d’oiseau de feu que portait l’animal. Il lui rappelait vaguement quelque chose, mais il ne savait pas quoi.
Ce qu’il savait c’est qu’il fallait absolument qu’il le mette dans son bureau afin de pouvoir le faire admirer à ses supérieurs, et en particulier son champion s’il en avait l’occasion. Absolument.
Il posa le sceau de manière à ce quiconque entrant dans son bureau puisse l’admirer. Il appella sa secrétaire, qui accourut avec la plus grande dignité.
"Hai, Kyome-sama." Elle admira un instant le magnifique objet qui ornait maintenant le bureau du Daidoji.
"Tapez une lettre de remerciement à Bayushi Djubi. Non, écrivez la à la main, et faites-la moi signer. Faites comme s’il s’agissait d’une lettre à un daimyo."
"Je pense que ce ne sera pas nécessaire, Kyome-sama."
"Pourquoi, Konishiko-san ?"
"Parce que Bayushi Djubi a été retrouvé mort hier, le corps déchiqueté. La police est sur les traces d’un fou, tant les blessures étaient nombreuses et terribles. On ne montre pas de photo du corps tant est-ce horrible à voir. Ca passe actuellement à la télé."
"Vous pouvez disposer..." Kyome avait une voix lasse, comme estomaqué par la nouvelle. Il alluma sans mot dire son poste de télévision.
"Ici Ikoma Akamura pour KTSU télévision. Je suis actuellement au commissariat de la rue Satsume, tout près de la grande tour de Dojicorp où l’on a retrouvé ce matin le corps sauvagement assassiné de Bayushi Djubi, le neveu du diplomate scorpion Bayushi Yudji. Il a été tué de manière tellement horrible que je ne sais pas comment le décrire. Afin d’en savoir plus, je vais interroger le sergent responsable de l’enquête Ikoma Raoul. Sergent Ikoma Raoul, que pouvez vous nous dire ?"
"Nous ne pouvons pas dire grand chose actuellement, nous attendons les résultats de l’autopsie. Tout ce que je peux déclarer, c’est que la victime a été assassinée par un déséquilibré, car aucune des possessions de cette dernière n’ont été volées. Le meurtrier s’est contenté de torturer durant un moment la victime avant de la laisser morte. Vous attendrez les déclarations ultérieures de la part du chef de la police pour des informations supplémentaires. Salut."
"Sergent ? Sergent !"
Toturi Raoul maudit la situation. Il avait l’affaire de meurtre la plus terrible de l’année sur le dos, en plein territoire grue ! C’était tellement médiatisé qu’il ne pouvait pas se permettre d’échouer. Il maudit les journalistes pour lui causer autant d’ennuis. Il n’avait aucune piste, aucune trace, pas la moindre empreinte digitale.
Des shugenjas avaient été, en désespoir de cause, convoqué pour l’aider. Il n’aimait guère la magie, mais il n’avait pas d’autre piste pour l’instant. Il maudit cette affaire. Rien n’allait comme il voulait ces derniers temps.
Un de ces subordonnés s’approcha de lui. "Oui, Yoshoka ?"
"Sergent, les shugenjas ont fini leurs invocations ..."
"Enfin ! Je ne serai pas mécontent qu’ils s’en aillent ceux-là ! Qu’est ce que ça a donné ?"
"Heu ... Le rapport du médecin indique que le meurtre a été commis par quelqu’un utilisant une arme courbe à lame courte, certainement un tanto. C’était quelqu’un de très compétent, car il a su frapper pour que la victime ne puisse crier et ainsi la torturer tranqui..."
"Yoshoka, les invocations !"
"Les shugenjas ... les shugenjas ont déclaré avoir trouvé ... des traces de souillure ..."
L’outremonde, la terre maudite des onis. Bien que la guerre des ombres fussent terminée depuis quelques années, il existait encore des traces de corruption dans l’Empire de diamant. Raoul le savait, mais il savait que les crabes se chargeaient des quelques traces qui restaient. Ils n’avaient maintenant plus beaucoup de boulot, puisque le puits suppurant avait été fermé par les Phénixs après le sacrifice des Dragons. Et les dernières traces d’outremonde se trouvaient dans des endroits reculés où personne n’allaient jamais, comme les terres du clan du Cygne, loin du côté de la forêt Shinomen.
Il ne pouvait y avoir de souillure à Otosan Uchi ! Il s’agissait d’une erreur. Cela ne faisait aucun doute, les shugenjas avaient dit ça pour se rendre intéressant. Il jeta un coup d’œil aux deux prêtres vieillissants que la grue lui avait aimablement fourni. Ils étaient gâteux à en juger par leur démarche, Toturi Raoul en était sûr.
"Sergent ?" Yoshoka le sortit de sa rêverie.
"Certainement une erreur, cherchez autre chose."
"Bien sergent." Ikoma Raoul maudit les shugenjas.
Yo continuait d’espionner sa cible, essayant d’être aussi discret que possible. Il ne se sentait pas bien dans ce genre de mission, préférant des missions plus physiques, ou du moins où il y avait plus d’activité. Observer sans cesse une maison où il ne régnait pas une grande activité, voilà qui n’était pas pour lui plaire. Il regarda Musashi, qui restait calme, vidant toute les deux heures un verre de saké afin de se réchauffer par ce début d’hiver.
Il était tendu, comme si quelque chose allait mal se passer, comme si l’adversaire qu’ils espionnaient depuis deux jours allaient enfin se décider à sortir de la maison et à faire quelque chose.
"J’ai faim, Musashi. Je vais chercher quelque chose à mettre dans mon estomac."
"Ok, Yo. Soit prudent, et ramène m’en un peu. Et du saké aussi. Et une geisha par la même occasion !"
Yo partit en souriant. Ils avaient une mission et cela voulait dire pas le temps pour passer par une maison de geisha. Il regarda sa montre, observant par la même occasion son tatouage. Mon appartenance se dit-il. Il commanda une pizza et des sushis à la petite boutique de Tetsuwa et parti rejoindre son compagnon.
"Alors, le riz est vert maintenant ?"
"Il ne c’est absolument rien passé ... allume la télé en mangeant si tu veut. Mais pas trop de bruit, s’il te plaît."
Musashi était bien moins sérieux quand il s’agissait de la vie de tout les jours. Mais lorsqu’il s’agissait d’une mission, c’était quelqu’un de très efficace. Mais c’était très ennuyeux alors de travailler avec lui. Yo regarda les infos et écouta le reportage sur le meurtre près de Dojicorp. Il n’écouta que distraitement, jusqu’à ce qu’arrivent les sports.
".... les Loups de Nananushi Mura ont battus les Daidoji Steelboys contre toute attente ..."
"Yeah ! Victoire ! Victoire ! C’est la fête ! On a ga..."
Un poing dans le ventre le ramena à la réalité. C’était Musashi, qui éteignait la télévision en colère.
"Tu pouvais pas aussi aller leur dire qu’on était là ? Tu t’ennuies tellement que tu veux aller voir si Ryoshun existe vraiment ? Eh bien, vas-y sans moi, espèce d’idiot !"
"Excuse-moi, Musashi ... je me suis laissé emporter ... Je ne voulais pas ..."
"Ce n’est rien, Yo ... ca me serait arriver aussi si l’équipe dragonne avait gagné ... bon range tout ça ... en espérant qu’ils ne nous ont pas entendus ... ils nous prendront peut-être pour deux ivrognes ..."
Yo se força à sourire. Il sentait qu’ils ne seraient bientôt plus seuls.
Washi Kagemaru rêva un instant à devenir une star internationale, mais son échec à l’école d’acteurs Akodo montrait son manque de talent. Et sa destinée était tout autre avaient dit les shugenjas à ses parents, avant que ces derniers ne l’envoient finir sa vie dans un monastère.
Et il avait encore échoué. On lui avait confié une mission et il avait échoué. Il devait garder quelque chose et maintenant cette chose se trouvait très loin d’ici, certainement en de mauvaises mains. Il avait échoué et il n’avait maintenant aucun moyen de retrouver ce qu’il avait perdu.
Washi Yogi, son supérieur, lui avait clairement fait comprendre qu’il devait venir ici. Et cela voulait dire qu’il devait y mourir. Il étreignit son wakizashi, dernier symbole de son statut de samouraï, et écrivit un haiku. Un très mauvais haiku, se dit-il. Mais sa vie était fini, cela n’avait plus d’importance. Il allait se faire seppukku de remords au milieu des statues du temple d’Osano-wo.
Il hésitait, ne trouvant pas le courage d’en finir maintenant.
Mais il n’avait absolument aucun moyen de retrouver l’objet, maintenant que celui qui l’avait volé avait utilisé des moyens magiques afin d’éviter que quiconque découvre ce qu’il en avait fait. Kagemaru serra la poignée du wakizashi.
"Il est temps d’en finir !"
"Es-tu vraiment sûr qu’il soit temps d’en finir ?"
"Quoi ?"
"Es-tu vraiment sûr qu’il n’y a pas d’autres solutions envisageables ?"
"Qui êtes vous ? Que me voulez-vous ?"
"Je ne suis pas grand monde, mais je n’aime pas voir les gens mourir. Pourquoi veux-tu mourir ?"
"Parce que j’ai échoué ! J’ai perdu un objet sacré ! Je suis inutile !"
"Nul n’est inutile, et un objet perdu se retrouve..."
"Mais je n’ai aucun moyen de le retrouver ! Il a été volé ! Et des gens vont souffrir de mon échec ! Je suis déshonoré !"
"Dis-moi et nous retrouverons ton objet ..."
Et deux voix résonnèrent toute la nuit ...
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