vendredi 30 décembre 2011, par
Où il est question d’un fan et de ces obsessions .
La musique résonne dans l’Underworld, à peine couverte par les cris scandés par la foule. Au dessus d’une scène gigantesque nivelée sur plusieurs niveaux, des projections tridéo fusent à travers un rideau de fumée.
Le public retient son souffle lorsque résonne une voix désincarnée.
"Touche ma peau... et dis-moi ce qui te vient à l’esprit..."
Une silhouette argentée fait son entrée d’une démarche féline. Ses jambes d’argent défilent sur la tridéo, dégageant les pans d’une robe turquoise et pailletée.
"Prends ma main et montres moi le chemin…"
Mercurial, sensuelle déesse de métal, tend la main vers ses adorateurs et sa voix intime un silence religieux. C’est son énième départ annoncée et elle donne tout ce que la ferveur de son public attend. Ce soir là à l’Underworld, le show a vu défiler une dizaine de faire-valoir, vedettes du moment, pales étoiles autour de la novastar… c’est sa dernière chanson avant sa retraite.
"Ce que tu ressens maintenant, pour moi est réciproque."
La lumière s’éteint brusquement et un halo prend le pas sur l’obscurité, et une voix retentit.
"Prend ma main et si je ne te dis pas la vérité."
Une silhouette frêle s’avance avec pour seul objectif de rejoindre la Mercurial.
Elle tourne la tête, dévoilant un regard azur. Ses lèvres esquissent une moue craintive.
"Je serais plus seule que jamais."
Elle lève alors ses yeux, et regarde au-delà de la foule. Comme deux miroirs bleutés , son regard illumine la salle plongée dans les ténèbres. Le premier rang retient son souffle devant l’apparition.
"Si je te mentais." reprend–t–elle.
De l’autre coté de la scène, un gant argenté réapparait.
"Prends ma main, et montres moi où nous allons."
La jeune elfe reprend de la contenance et esquisse un timide sourire. Elle est soulagée.
Elle tend le bras elle aussi vers la novastar.
"Viens près de moi, regarde dans mes yeux... et dis-moi."
- Merde Sanders ! Éteins-moi ça bordel ! Éructa une silhouette surgissant du faisceau tridéo.
- Coupure trid ! Gary ! On est colocataire et ya qu’une tridéo !
- 550 ! 550 fois que tu regardes ce putain de concert ringard ! Même la salle existe plus !
S’en était trop pour Erik Sanders. Le jeune homme se leva , foudroya du regard son colocataire et attrapa son blouson.
- C’est sur que « Teen elves from Atlantis » est plus au gout du jour, gros porc !
Il défonça l’étagère vitrée contenant la collection scabreuse de figurines de cette série porno et raciste de Gary, ouvrit la porte et la claqua aussi sec.
Lorsqu’il sentit l’air frais de l’extérieur, on pouvait encore entendre Gary Stankiewicz l’insulter et jurer.
Il s’enfonça dans l’obscurité des sentiers ombragés du campus. Ce n’était pas comme s’il avait eu le choix. Arrivé en milieu d’année, Erik s’était vu imposer un logement en colocation… avec cet otaku pervers de Stankiewicz... rien à voir avec ces gamins bizarres qui, soi-disant, sont nés dans la matrice.
Gary ne pouvait pas comprendre, non ce crétin ne savait rien.
Il venait de s’apercevoir qu’il était déjà devant l’Einstein Bagel’s.
Bar à sandwichs étudiant, il était encore ouvert malgré sa popularité ringarde.
Les groupes d’études thaumaturgiques, le cercle baptiste de parazoologie, tout les nerds qui travaillaient sans compter les heures à la Pacific University, trainaient leur guêtres par ici .
Erik poussa la porte du snack et se laissa tomber sur l’une des banquettes libres. Trois types en chemises à carreaux, une elfe maigrelette avec des lunettes grosses comme des soucoupes et 5 amérindiens en costume baptiste.
- Eh Sanders !
L’un des binoclards venait de l’interrompre dans son étude de la carte des bagels.
- Salut Feather... encore fini tard hein ?
- Tu parles ! On rame toujours sur la théorie des monades paracelsiennes.
- Ah ouais... dur...
De manière polie, il esquissa un pale sourire. Il n’avait pas la moindre idée de ce que c’était.
Feather devait s’en douter mais parler avec Erik Sanders lui conférera une petite notoriété non négligeable pour un nerd.
- J’ai quelque chose pour toi au fait.
- Écoute Feather, je vais pas trainer...
- Ça LA concerne.
Sanders sentit monter en lui une soudaine chaleur.
Feather, content de lui-même, sourit à pleines dents.
- Tu connais SOU ?
- Shadows of the underworld ? Le jeu simsense en ligne ?
- Tu connais la dernière extension…
- Feather au fait ! quel rapport !
- En débloquant un niveau, avec mon crew on s’est retrouvé dans une interface cachée, une sorte de vieux troquet miteux de Puyallup …et on l’y a croisé !
- …un avatar ?
- Un PNJ …j’ai l’adresse du codeur ça te dit ?
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