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UP !System

La conception du UP !System

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lundi 5 décembre 2016, par ykonoclast

Description des dix piliers fondamentaux de ce système de règles.

Le UP !System n’a pas été conçu au hasard : plutôt que d’assembler des éléments que je trouvais sympathiques sans trop vérifier la cohérence et d’attribuer des valeurs chiffrées au pifomètre (comme le font bien souvent les autres systèmes, même commerciaux) c’est un processus systématique qui a été mis en place pour assurer le fonctionnement d’ensemble du système en vue d’accomplir ses buts finaux, décrits dans l’article sur les règles de base.

Mais si ces buts finaux restaient l’objectif, les choix quant aux moyens à mettre en œuvre pour les atteindre furent parfois cornéliens. Je souhaitais, au travers de cet article, vous en faire profiter car cela pourra éclairer tout amateur du UP !System sur sa genèse et, surtout, aider tout autre créateur de système qui pourra ainsi découvrir un modèle de conception qui me semble avoir fait ses preuves.

Tout ce qui suit constitue la « pierre angulaire » du UP !System : ce sont les éléments qui ne changeront jamais car ils structurent ce que le système doit être. L’ensemble peut-être modifié pour mieux s’y tenir (les ND ont récemment été changés pour une meilleure concavité des courbes par exemple) mais ces points sont le UP !System, son socle immuable. Je les ai arrangés par ordre d’importance, du primordial vers le « négociable ». Attention néanmoins, cette discussion étant technique, il conviendra de connaître au minimum les fondamentaux du UP !System pour la suivre.

1) Le règne de la compétence
Le début de ma réflexion sur le UP !System est venu d’un long débat sur le rôle des compétences. Je me souviens de ces jeunes années sur le campus grenoblois où, dans les longues discussions après les parties de L5R, revenait souvent la même antienne : pourquoi les gymnastes sont-ils meilleurs que les maîtres du sabre ?
Il faut savoir que la première version du Roll&Keep System (R&K), qui motorisait L5R, répartissait les caractéristiques en deux groupes notés sur 5 : les traits et les compétences (ce modèle fut conservé dans les versions suivantes). Les jets s’effectuant simplement en additionnant ces deux valeurs, en lançant un nombre égal de D10 et en gardant autant de dés que le trait (7th Sea repris ce système dans sa première édition, L5R s’en écarta dans sa seconde). Un jet d’attaque au sabre (compétence kenjutsu, trait agilité) d’un personnage ayant un rang 3 en agilité et un rang 5 en kenjutsu valait donc 8g3.
Le problème ? Ce jet de 8g3 a une moyenne de 29. Or ce personnage, qui est déjà relativement agile (3 est au dessus de la moyenne) est un véritable maître du sabre : son rang 5 indique une expérience considérable et un niveau quasi-artistique dans son maniement. Comparons cet auguste bretteur à un gymnaste émérite possédant un rang d’agilité de 5 et ayant un jour vaguement pris quelques leçons d’escrime (kenjutsu à rang 1). Son jet vaut donc 6g5 pour une moyenne de… 34.
Ainsi le R&K permet joyeusement à un maître du sabre d’être ridiculisé par un maître de la gymnastique. Ce problème est grave : il n’est pas possible dans la vraie vie à tout gymnaste escrimeur débutant, fusse-t-il extraordinairement agile, de vaincre au sabre un maître bretteur. Que l’on ne se réfugie pas derrière l’argument selon lequel le sabreur « n’avait qu’à monter son agilité » : le rang 3 est déjà une bonne valeur, peut-être le maître a-t-il vieilli et son corps noueux perdu de sa souplesse, toujours-est-il que non, un débutant avec un simple rang 1 devrait être quasi-systématiquement battu par un maître absolu connaissant toutes les bottes, pourvu que celui-ci ne soit pas devenu un infirme. N’oublions pas que, dans notre exemple, la différence entre les traits est, de plus, bien plus faible qu’entre les compétences : 2 pour l’agilité et 4 pour le kenjutsu. Soit la moitié.
Dans le R&K le trait est roi : un joueur a, mathématiquement, tout intérêt à ne monter toutes ses compétences qu’au rang 1 pour ensuite concentrer ses XP sur les traits. Certain dénonceront cela comme de l’anti-jeu… mais en arriver à demander à des joueurs de volontairement mal répartir leurs points pour pallier les insuffisances d’un système ne représentant pas la réalité est de toute façon un constat de défaillance quant à l’atteinte de l’objectif de cette partie du système : représenter de manière crédible un affrontement entre combattants japonais médiévaux.
Le problème s’est présenté à moi dans exactement les mêmes proportions lorsque je me suis mis à masteriser 7th Sea. Même les maigres palliatifs ne fonctionnaient pas : un personnage ne possédant pas la compétence ne pouvait relancer ses dix. Maigre consolation : un gymnaste avec 5 en dextérité obtient en moyenne 30 à son jet en ne possédant pas du tout la compétence là où un maître spadassin à 8g3 continue de faire 29. Si le monde marchait ainsi, les patineuses à glace russes vaincraient systématiquement les champions d’escrime aux jeux olympiques et les gens très intelligents n’auraient pas besoin d’apprendre un langage informatique pour pouvoir coder : ils improviseraient simplement du code html sans en avoir jamais vu pour rédiger des pages web.

Le proto-UP !Système, qui n’était à l’origine qu’une collection de règles maisons plaquées sur le R&K (modification des avantages et des règles de blessures notamment) s’enrichit de la première différence mécanique d’importance : je décidai de remplacer le jet de type trait + comp g trait par 2 * comp g trait.
Les résultats furent immédiats : notre auguste bretteur passe à 10g3 pour une moyenne de 36, tandis que le gymnaste débutant en escrime passe à 1g5, soit 1g1 pour une moyenne de 6 tandis que le gymnaste pur, sans compétence, passe à 0g5 : il ne peut même plus faire de jet !
Bien qu’infiniment plus réaliste, ce changement allait un peu trop loin : tout homme peut vaguement se servir d’un bout de fer pointu et un extraordinaire gymnaste devrait sans doute réussir à se placer avec agilité de façon à être quand même plus dangereux que le commun des mortels. C’est ainsi qu’apparut la règle d’inversion : si l’on garde plus de dés que l’on en lance, on peut inverser les deux totaux. Le premier gymnaste passe donc à 5g1 pour une moyenne de 11, représentant mieux son agilité extraordinaire. Le problème se pose toujours pour le gymnaste sans compétence. Une succession de mauvaises solutions dérogatoires se présenta avant l’invention du domaine.

Toujours est-il que ce débat mit à jour le concept fondamental des caractéristiques du UP !System :

Les traits : représentent les capacités innées d’un personnage. On ne peut jamais réaliser son plein potentiel sans une compétence néanmoins. Un potentiel n’est rien sans la formalisation de l’acquis.

Les compétences : représentent l’entraînement acquis dans un champ spécifique. Elles permettent de réaliser son potentiel (représenté par les traits) mais, au fur et à mesure qu’elles progresseront, deux individus de haut rang seront toujours distingués par leurs capacités innées et un personnage limité dans ses traits ne pourra jamais complètement exploiter la puissance de sa compétence.

Ainsi un gymnaste débutant en escrime ne pouvait réaliser son potentiel. Mais un maître avec juste 3 en agilité n’exploitait pas complètement son talent. Deux maîtres pouvaient encore être distingués l’un de l’autre par leurs capacités innées.

Le renversement de l’ordre d’importance était effectué, le règne de la compétence commençait.

2) Et le domaine fut
Le domaine fut l’acte de naissance du UP !System : le jour où les modifications de règles atteignirent une masse critique qui le rendit distinct du R&K.

Sa création vint de la réponse au problème qui restait : comment gérer l’absence de compétence ?

Ce problème est plus complexe qu’il n’y paraît : il faut non seulement gérer les novices absolus dans un domaine mais aussi les personnages expérimentés dans une compétence et n’en possédant pas une autre pourtant proche. Après le débat du gymnaste, nous nommâmes ce second débat « le débat du moine et du chevalier ». Il se tint comme le premier : entre des fins de parties et des soirées pizzas dans la cuisine d’une résidence universitaire.
Qui sont donc ce moine et ce chevalier ? Prenons la situation suivante : un chevalier invite un moine à manger dans son château, ils prennent place à table et, soudain, un démon entre par la fenêtre et se jette sur eux : ils doivent combattre ! Tous deux s’emparent des seuls objets proches : deux longs bâtons pouvant faire office de gourdins.

Quel est le problème de cette situation ? Aucun des deux ne possède la compétence « armes contondantes » ou « gourdin » ou quoi que ce soit d’approchant. Néanmoins, si le moine ne possède tout simplement aucune compétence d’arme, ce n’est pas le cas du chevalier qui possède sans doute une haute compétence pour l’épée. Comme auparavant, certains diront simplement « le joueur n’avait qu’à mettre des points dans ’gourdin’ bien fait ». Mais là encore il s’agit d’un effet pervers du système : il est évident que le chevalier ayant appris à se battre excellemment à l’épée saura se débrouiller bien mieux qu’un moine avec un gourdin sans devoir y investir spécifiquement des points ! Or là tous deux auront exactement la même compétence : 0.

Le début de la solution vint de la réduction du nombre de compétences : beaucoup de ces problèmes pouvaient être résolus en adoptant quelques compétences aux champs très larges plutôt qu’un grand nombre d’entre elles. Je pris le modèle du nouveau monde des ténèbres, récemment sorti à l’époque. Un grand nombre de compétence n’est qu’un moyen de frustrer les joueurs en leur donnant plus d’occasions de ne pas en posséder une alors qu’ils sont pourtant très bons dans une autre, connexe. A rolemaster il existait une compétence spécifique pour frapper à l’arrière. Un personnage ne sachant pas se battre à la hache mais ayant cette compétence était donc plus fort pour se battre de dos que de face quand il avait une hache à la main. Pour un personnage social, 7th Sea faisait la distinction entre : danse, éloquence, étiquette, mode, intrigant, cancanier et pique-assiette. Malheur au personnage maître de l’éloquence cherchant à se faire inviter à une soirée : il n’avait pas la compétence pique-assiette. De plus on pouvait mentir avec intrigant mais détecter les mensonges devait se faire à l’aide de deux compétences : empathie pour les omissions trahies par l’émotion et comportementalisme pour les mensonges directs. Bien entendu, 7th Sea faisait acheter les compétences en packs, ces deux dernières compétences étant dans deux packs différents eux-mêmes séparés du pack de courtisan. C’est bien simple : personne n’avait assez d’XP pour jouer un vrai courtisan.

Mais il restait des compétences proches qu’il fallait séparer thématiquement au risque de se retrouver avec juste quatre ou cinq compétences. Sans même parler de la tentation des compétences free-form (voir ce point vers la fin).

Et donc apparut le messie : le domaine. La véritable spécificité et originalité profonde du UP !System : cette idée qu’il existait un rang intermédiaire entre la compétence et le trait, l’habituel duopole de tout système de jdr. Ce rang intermédiaire allait sauver notre chevalier et aussi résoudre l’horrible inélégance qu’il y avait à doubler les compétences (on ne lançait plus que des nombres pairs de dés et se demandait bien pourquoi continuer à noter les compétences sur 5…). Je décidai de créer ces nouvelles caractéristiques, à nouveau notées sur 5 et de simplement lancer domaine + compétence g trait. De plus, en faisant débuter automatiquement tous les domaines au rang 1 comme les traits, je réglais définitivement l’absence absolue de compétence : on avait toujours au moins un dé lancé, la règle d’inversion permettant alors de tirer un peu parti de son trait. J’ajoutai la règle cardinale selon laquelle une compétence ne pouvait dépasser le rang de son domaine et la solution simple et élégante était là : le chevalier, avec son haut rang pour manier une épée disposait d’un domaine au même rang et donc pouvait lancer au moins la moitié de son groupement de dés d’escrime lorsqu’il maniait un gourdin, là où le moine n’avait qu’un seul dé, celui de base de son domaine.

J’étais cependant un peu chagriné de trop brider les compétences en les forçant à demeurer au niveau du rang de domaine. J’ajoutai donc les spécialités : qui augmentent de un le nombre de dés lancés dans une compétence, afin de distinguer celle-ci des autres du même domaine.

Le UP !System était né : il était devenu mécaniquement très distinct du R&K : les compétences étaient beaucoup moins nombreuses et différentes, elles étaient organisées dans des regroupements de faible taille nommés domaines et ceux-ci s’additionnaient à elles pour constituer un nombre de dés lancés, le trait déterminant combien on en gardait.

3) De la concavité des courbes
Derrière ce titre, digne d’un roman d’Amélie Nothomb, se cache l’étape qui suivit dans la conception du UP !System. Je disposais désormais d’une mécanique définitive et satisfaisante avec le jeu des traits/domaines/compétences. Il restait désormais à accorder les niveaux de difficulté pour obtenir une concavité satisfaisante des courbes de réussite.
Mais de quoi veux-je donc parler ? Un petit dessin vaut mieux qu’un long discours, allez donc jeter un coup d’oeil au document joint et nommé "courbes de réussite ND difficile" ?

Il s’agit des chances de réussite à un jet difficile de différents personnages de niveaux de puissance différents en fonction du nombre d’incréments requis. Remarquez comme l’expert et le maître n’ont pas le même genre de courbe que les autres : les leurs décroissent moins vite, elles sont courbées dans l’autre sens que les trois plus basses. Ces deux courbes sont dites concaves, les trois autres sont dites convexes.
Hé bien les divers ND du UP !System sont le fruit d’un lent travail d’étalonnage pour assurer une concavité/convexité correcte des différentes courbes. Il est normal que sur un jet difficile un novice et un apprenti s’effondrent très vite alors que le professionnel tient bon mais va quand même trouver rapidement ses limites alors que l’expert le maître eux tiennent la longueur beaucoup plus longtemps avant que leurs courbes de réussite ne plongent. La forme des courbes n’est bien sur pas le seul critère, les pourcentages de réussite ont aussi été étudiés, pour chaque ND, chaque type de personnage avait des chances de succès estimée et le système a été à nouveau étalonné pour permettre ce réalisme.
La plupart des systèmes fixent leurs difficultés un peu au hasard, généralement de 5 en 5 parce que cela semble bien bon. Le UP !System admet que la réalité n’est pas gentiment linéaire de 5 en 5 et possède donc des trajectoires de réussite beaucoup plus réfléchies. Chaque type de ND va présenter des courbes différentes. Sur le ND très difficile par exemple, la courbe de l’expert devient très franchement convexe alors que l’on a vu qu’elle était concave sur le difficile. Le travail réel de statistique prend plusieurs pages. En lien de cet article sont présents les tableaux complets qui ont fourni la matière de base à l’ordonnancement général du système.

La première version des courbes manquait cependant de « punch » je voulais marquer une frontière plus dure entre le professionnel et les rang plus bas : pour moi un professionnel doit réussir bien mieux qu’un apprenti car il est vraiment autonome. C’est ainsi que j’ai introduit le bonus de rang : ce bonus de +5 qui accorde systématiquement un incrément d’avance aux hauts niveaux et produit cette « bosse » de concavité encore notable sur les ND élevés.

4) La valse des dés
Le fait même d’employer des ND a été un enjeu des premières versions du UP !System. Il n’était pas évident de finir par en user. Grosso-modo, les trois-quarts des systèmes de jdr se répartissent dans l’un des trois groupes suivants :

Jet sous un seuil : la réussite est obtenue sur un résultat inférieur ou égal à un seuil qui dépend des caractéristiques du personnage(l’Appel de Cthulhu, Fading Suns, Polaris, Rolemaster…).

Jet à succès : un dé doit atteindre au moins une certaine valeur pour que l’action soit un succès, la difficulté étant fixée par le MJ et correspondant directement au résultat à atteindre sur le dé. Les caractéristiques peuvent jouer sur le nombre de dés lancés et en tant que modificateurs au résultat à obtenir (Shadowrun, Monde des Ténèbres…).

Jet à génération de score : on génère un score en additionnant des caractéristiques et un jet. Le score doit dépasser une valeur donnée, généralement nommée « niveau de difficulté » et fixée par le MJ (R&K, D&D, Cyberpunk…).

Ces trois groupes sont chacun divisé en deux familles : celle des jets à plusieurs dés et celle des jets à dé unique. En pratique un jet à succès avec dé unique est difficilement discernable d’un jet à génération de score. La plupart des systèmes à succès emploient plusieurs dés et la plupart des systèmes à génération de score ou sous seuil n’en utilisent qu’un seul.
Il était pour moi clair dès le départ que le UP !System devait utiliser plusieurs dés. Un seul dé est chaotique : il y a autant de chance d’obtenir 1, 10 ou 20 sur un D20. Un personnage faisant 5 échecs critiques suivis de 5 réussites critiques serait donc « moyen ». Cela n’a aucun sens : quelle que soit la situation, l’on a toujours beaucoup plus de chances de faire un résultat moyen que de faire un résultat extrême. Le fait d’employer plusieurs dés assure cela : lorsque l’on lance 6D10, ils ne feront pas tous dix ou 1, l’ensemble produira un résultat infiniment plus mitigé et donc, probable. Cette convergence vers la moyenne produit au final une courbe gaussienne de bon aloi plutôt que des résultats chaotiques.

Le jet sous un seuil a l’avantage de permettre de faciliter les jets pour lesquels la difficulté est difficile à connaître : le joueur fait juste un jet sous la compétence de son personnage sans que le MJ ne doive déterminer la difficulté. Un investigateur de l’Appel de Cthulhu n’a besoin que de connaître sa compétence en armes à feu pour pouvoir tirer. Le MJ peut donner des modificateurs (« il fait noir ; le jet s’effectuera avec un malus de 20 % »), mais ce n’est pas nécessaire. Le désavantage étant qu’il est difficile de faire interagir deux personnages ou un personnage avec un élément externe. Comment gérer le fait que l’agilité d’une cible va la rendre plus difficile à toucher si le jet n’est basé que sur la compétence du tireur ? En pratique ces systèmes emploient massivement les jets en opposition et possèdent même parfois des formes raffinées d’opposition comme les tables de résistance. Un autre problème est l’impossibilité de mitiger l’échec : un personnage qui tente un jet d’escalade et fait un peu au dessus du seuil a juste échoué, et le joueur le sait. Tenter, pour le MJ, de mitiger cet échec en disant « tu te rattrapes à une branche » sonne faux car, techniquement, le jet est un échec simple. De plus, ces systèmes ne se prêtent que mal à l’emploi de plusieurs dés.

Le jet à succès permet d’employer facilement plusieurs dés et fournit donc des résultats bien plus intéressants sur le plan des probabilités. Malheureusement il est impossible de lui faire produire des jets « ouverts » (i.e. sans connaître la difficulté) de façon satisfaisante. Il est obligatoire de fixer une difficulté pour que le jet puisse se faire : impossible de savoir si les dés génèrent des succès sans cela. L’interaction avec les éléments extérieurs reste limitée : le jet dépend surtout des caractéristiques du personnage mais cela va déjà mieux qu’avec un jet sous seuil : on peut par exemple définir que, pour toucher un adversaire, il faut obtenir autant de succès que son score dans une caractéristique. L’impossibilité de mitiger l’échec est encore pire néanmoins : un personnage qui n’obtient aucun succès a totalement échoué. Même si le seuil à atteindre sur les dés était de 6 et qu’il n’a que des 5 (donc beaucoup plus que s’il avait un seul 6 et uniquement des 1 à côté), cela reste un échec. Tenter de dire au joueur qu’en fait son personnage n’est pas tombé est une réelle gageure.

Les systèmes à génération de score ont ma préférence : ils permettent des jets ouverts : le joueur fait simplement un jet, et le MJ peut estimer si l’action est réussie sans avoir à trop réfléchir à la difficulté (dans le UP !System si le joueur obtient 50 à un jet je n’ai pas besoin de réfléchir pour savoir qu’il a réussi, le jet est très élevé). Cela permet donc de garder celle-ci secrète : si des rochers sont brinquebalants pour notre intrépide grimpeur et que je lui annonce une grosse difficulté sur un système à succès ou un gros malus sur un système à seuil, le joueur se doute de quelque chose, ici je peux simplement lui demander quel est son résultat et estimer si « c’est assez ».
L’interaction avec les éléments extérieurs est maximale : toucher un adversaire, c’est réussir à passer un ND qui est calculé depuis les caractéristiques de la cible, pas juste le talent du tireur !
Enfin il est beaucoup plus facile de mitiger l’échec. Reprenons notre grimpeur : si le MJ lui demande un jet et que le joueur répond simplement « j’ai fait 23 ». Le MJ n’a pas annoncé de difficulté formellement, il peut très bien décrire le personnage luttant mais y arrivant de peu, là où un dépassement de seuil ou une absence de succès sonne le glas d’une action. Même si un ND de 25 avait été annoncé, cela ne sonne jamais pareil d’obtenir 23 pour 25 que de n’avoir aucun succès ou de dépasser un seuil tant ces valeurs sont des absolus là où, inconsciemment, nous voyons la génération de score comme un effort montant jusqu’à atteindre un niveau de réussite donné.

C’est pour cela que la base du UP !System est restée le R&K à travers le temps : malgré ses défauts celui-ci possède les fondamentaux mécaniques qui, à mon sens, permettent au mieux la simulation d’une action : plusieurs dés (pour la convergence vers la moyenne) et de la génération de score (pour la flexibilité en partie).

5) Là où les points de création vont pour mourir
Lors d’une étape de l’avancée du UP !System je me suis rendu compte qu’un point restait problématique : les possibilités d’optimisation à la création.
Initialement, comme la plupart des jdr, le UP !System employait des points de créations. Le problème récurrent, avec ce type de points à répartir dans les différentes caractéristiques, étant que deux personnages créés avec le même nombre de points seront très différents en terme de puissance.
Voici un exemple simple : deux joueurs décident de créer, chacun, un personnage. Appelons-les Eddy et Alban par exemple. Tous deux créent un personnage social, car Eddy et Alban sont des personnes très extraverties. Alban répartit ses points de création de la façon suivante :
Art oratoire : 1
Etiquette : 1
Subterfuge : 1

Quant à Eddy, il répartit ses points ainsi :
Art oratoire : 3
Etiquette : 0
Subterfuge : 0

Quand tous deux souhaiteront passer au rang 3 dans ces trois compétences, voici ce qu’il leur en coûtera :
Alban : 3 * 4 + 3 * 6 = 30XP
Eddy : 2 * 2 + 2 * 4 + 2 * 6 = 22XP

Comme Eddy est un vil optimisateur, il a réparti ses points de création de façon à dépenser moins d’XP plus tard. Une fois de plus, certains piailleront sur le fait qu’Eddy est un « sale minimaxeur ». Mais comme d’habitude, je reste persuadé que les joueurs ne devraient pas être obligés de mal jouer pour pallier les insuffisances d’un système incapable d’équilibrer les chances de tout le monde.
Le point est qu’un système sans optimisation aussi forte existe : les XP. Pourquoi utiliser deux types de points ? Pourquoi ne pas se contenter des XP ? De plus, une création à base d’XP permet de plus facilement acheter des avantages par la suite (il est toujours problématique d’acheter ceux-ci post-création en l’absence d’une règle de conversion claire entre les XP et les points de création). Je ne suis pas l’inventeur de cette idée, elle m’a été soufflée par l’un des critiques les plus acerbes du UP !System, qu’il en soit remercié au passage, ce genre de commentaire fait avancer, les apologistes font stagner.

6) La véritable élégance est la frugalité
L’élégance est un aspect important du UP !System. J’ai souvent fait des compromis pour la maintenir sur un plan général. Je suis persuadé que l’élégance véritable ne réside pas dans des mécaniques complexes et subtiles mais au contraire, dans une simplicité cherchant à éliminer les cas particuliers par des règles simples mais s’adaptant à tous les cas : ce que j’appelle la « frugalité » dans les règles.
Toutes les refontes du UP !System ont été conduites avec un maître mot : le système n’est pas terminé quand il ne reste plus rien à ajouter mais quand il ne reste plus rien à retirer. Je ne suis jamais aussi satisfait d’une passe d’amélioration que lorsque je suis parvenu à supprimer des exceptions et à les remplacer par d’élégantes règles marchant tout le temps.
Les exemples de cette recherches de l’élégance sont nombreux : au départ, lorsque la compétence n’était pas possédée, l’on faisait effectuer au joueur un jet sans relance des 10 et avec un malus. Cette règle a été remplacée par « tous les domaines commencent normalement au rang 1 ». Ainsi il n’y a jamais un nombre de dés lancés égal à 0 (toujours au moins un). Cela permet en plus d’interdire de façon là aussi élégante certains jets : il suffit de faire commencer le domaine à 0 (c’est le cas de la magie) ce qui a pour effet d’empêcher tout jet de magie par des non-magiciens. Beaucoup plus simple qu’un paquet d’exceptions. Le fait d’enchaîner les ND de façon simple par une augmentation de 5 (10,15,25 et 40) fonctionne tout aussi bien.
Cet élégance n’est pas un caprice de diva : la frugalité permet d’assurer la fluidité en jeu et la facilité d’apprentissage par les nouveaux-venus. Ce qui est un gain réel.

7) Grandeur et décadence des critiques
Je pense que les échecs et les réussites critiques n’existent pas. En tout cas pas dans la proportion démontrée par les systèmes de jdr. Combien d’artistes de cirque tombent pendant un numéro rodé ? Quel est le nombre d’accidents que le conducteur moyen aura dans sa vie ?
Lorsque nous accomplissons une action nous avons bien moins d’un pourcent de chances que son résultat soit critique. Cela n’arrive que dans des cas particuliers ou des circonstances extraordinaires qui doivent en fait être gérées par le MJ. Donner une valeur quantifiable aux chances infinitésimales que ce genre de profonde variance dans les probabilités arrive n’a aucun sens pour un système cherchant à simuler la réalité.

8) De l’art de la mortalité

Oui le UP !System est mortel. Non seulement il est mortel : il est imprévisible. La réalité est bien méchante malheureusement, et les balles comme les coups d’épée ont tendance à faire mal. Au final je suis plutôt content du fonctionnement actuel : une fois le point de choc dépassé, le personnage ne sait pas si il va défaillir ou non, un jet en décide. Une fois le personnage inconscient, là aussi, un jet décide de sa mort : les personnages du UP !System ne sont pas des gourdes à points de vie, une fois qu’ils sont blessés, leur situation peut évoluer de façon imprévisible et potentiellement dramatique. Comme dans la vraie vie.

9) Honni soit qui free-form y pense
La tentation du free-form a existé dans le UP !System notamment pour régler le problème des compétences trop nombreuses. Malheureusement mon expérience m’a montré que trop de free-form se résume simplement à « arbitraire du MJ ». Dans un système où l’on choisit ses compétences de façon free-form par nom de métier par exemple (« j’ai espion rang 3 et cuisinier rang 2 »), l’on se retrouve à chaque jet à devoir négocier avec le MJ juste pour pouvoir effectuer une action de base (« comment cela je ne peux pas négocier avec ma compétence ‘prostituée’ ») et celui-ci peut en plus changer d’avis (« oui, ta compétence ‘chevalier’ pouvait servir aussi pour les jets d’étiquette mais maintenant je pense que tu devrais mettre des XP dans ‘courtisan’ à la place ») ou alors un joueur malicieux et meilleur négociateur que les autres peut réussir à tout faire avec peu de compétences (« j’ai la compétence ‘espion’ et je l’utilisais pour la furtivité jusqu’à présent mais les espions sont bien entraînés physiquement alors je devrais pouvoir l’utiliser pour courir ! En plus les espions sont bons en combat donc je peux l’utiliser pour frapper ! »).
Cet arbitraire vaut aussi pour les pouvoirs. Je me souviens avoir eu un personnage pouvant invoquer un démon sans que rien ne précise ce que celui-ci pouvait faire. La première partie, je l’ai invoqué pour savoir où étaient les ennemis… et il est allé jusqu’à leur repaire pour tous les tuer, ruinant tout intérêt pour le scenario. Lors de la seconde séance, je l’ai invoqué pour me défendre, cette fois-ci le MJ a décidé qu’il n’intervenait pas directement, rendant mon pouvoir inutile.
Les règles d’un jeu sont comme la constitution d’un pays : elles servent à protéger les joueurs de l’arbitraire du pouvoir central. Dans le UP !System quand les personnages ont une capacité, ils l’ont sans que je puisse la leur retirer et sans avoir à argumenter avec moi juste pour effectuer leurs actions de base.
Cela étant j’ai du faire un compromis car le free-form est parfois indispensable. C’est ainsi que sont nées les compétences du domaine arts et métiers ou une partie du système de magie par exemple.

10) Le mirage du narrativisme
Ces dernières années les systèmes traditionnels n’ont pas forcément été les plus célébrés. Une idée prend de plus en plus forme : les systèmes devraient s’adapter à l’histoire et ne pas chercher à représenter la réalité.
Je pense sincèrement que l’inverse est vrai. Je pense que le roleplay est un élément qui ne doit justement pas être réduit à un système : tenter de promouvoir le « narrativisme » c’est justement faire surgir du système et de la mécanique là où les paroles devraient suffire. Et cela, toujours au prix d’aberrations dans le réalisme.
Je me rappelle ainsi d’un jeu où les compétences étaient des « termes » que le joueur devait assembler pour faire des phrases, chaque terme apportant un bonus. Ainsi, si le joueur avait marqué « pistolet », « rue » et « chatons » sur sa feuille il faisait un meilleur jet pour toucher des chatons à l’extérieur que pour avoir une cible fixe à l’intérieur d’un champ de tir. Les défenseur de ce système m’ont indiqué que « cela renforçait le roleplay ». J’y vois plutôt l’immixtion d’éléments invraisemblables dans une partie. Imaginez Joe le détective demandant à combattre l’ennemi dans la rue car « il y tire mieux ». Je trouve largement plus roleplay ma solution : une bonne vieille compétence indique le capacité de Joe à se servir d’une arme et un trait nous donne sa coordination innée. Le système est le support du roleplay, il sert à simuler le fait que le monde tourne autour des décisions des personnages.
Autre exemple : 7th Sea permettait aux joueurs « d’activer » les « travers » des « vilains » en dépensant certains points. Quel roleplay y-a-til là dedans ? Je n’y vois qu’une mécanique empiétant sur l’histoire. Oui, j’assume préférer que mon joueur me fasse un bon vieux roleplay éventuellement soutenu d’un jet d’art oratoire pour voir comment son personnage s’en sort pour déstabiliser l’antagoniste. Que se passe-t-il quand le personnage n’a plus de points ? Il ne sait plus parler pour confondre un adversaire trop sûr de lui ?
L’on classe souvent les systèmes cherchant à représenter la réalité comme « simulationnistes ». Je rejette ce terme pour le UP !System : car il sous-entend une invraisemblable complexité et lourdeur (qui bien souvent n’amène en fait pas plus de réalisme car mieux vaut des règles de portée générale). J’ai cherché à faire un système représentant bien la réalité mais qui reste fluide. Je pense qu’ainsi le roleplay sera mieux servi qu’en restreignant les décisions des joueurs à des gimmicks de mécanique.

Et voilà ! Au terme de cet article, est défini le UP !System. Le UP ! c’est juste ça : ces 10 points. Tout le reste est négociable et sujet à évolution. J’ai souhaité créer un système qui réponde à ma conception de ce à quoi doivent ressembler des règles de jeu de rôle et je pense y être arrivé. Tout système pouvant respecter ces 10 piliers est une version que je reconnaîtrais comme étant une forme de UP !System : un système où des compétences peu nombreuses, dont l’importance est plus grande que celle des traits, sont regroupées dans des domaines permettant d’en gérer la connexité au travers de jets à génération de score produisant des courbes de réussite à la concavité satisfaisante pour des personnages créés avec des XP, ne pouvant obtenir de critiques, le tout dans un environnement mortel animé par des règles les plus frugales possibles avec le moins de free-form possible.

Vous le voyez, le UP !System n’est pas un délire amateur ou une excentricité. Il est né au travers d’une véritable réflexion de fond sur ce que doit être un système de jeu de rôle. Ses révisions passent par un processus encadré où les suggestions et critiques d’une demi-douzaine de personnes sont distillées en versions intermédiaires qui sont alors relues par ces dévoués amis sans lesquels je n’y arriverais pas.

J’espère que ce texte vous a donné envie de connaître le UP !System, voire d’y participer davantage. Qui que vous soyez, vous êtes le bienvenu.



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